Acteur, réalisateur, père de famille, compagnon amoureux : Yvan Attal endosse tous les rôles avec succès. Itinéraire d’une antistar, aussi douée qu’équilibrée.
« Il m’a tout appris. Je suis passée d’une enfant à une adulte avec lui. (…) C’est quelqu’un de très, très exceptionnel. Je me fie à lui, toujours aujourd’hui.” Ce samedi 16 décembre 2017, Charlotte Gainsbourg est visiblement très émue sur le plateau de Thé ou Café sur France 2 lorsqu’elle parle de l’homme qui partage sa vie depuis plus d’un quart de siècle.
Rien ne prédestinait pourtant Yvan Attal à devenir le compagnon de la fille de l’un des plus grands chanteurs et musiciens français du XXe siècle et de l’iconique et talentueuse Anglaise issue d’une lignée d’actrices, Jane Birkin. L’acteur et réalisateur à la paupière droite tombante a grandi bien loin du très chic 7e arrondissement et de la mythique demeure de Serge Gainsbourg, rue de Verneuil.
C’est à Tel-Aviv qu’il voit le jour, le 4 janvier 1965. Ses parents y ont élu domicile après avoir quitté l’Algérie pour Israël en 1962, après la déclaration d’indépendance. Ils n’y resteront pas assez longtemps pour qu’Yvan s’en souvienne. Il n’a que quelques mois quand ils s’installent en banlieue parisienne, à Nogent-sur-Marne d’abord, puis dans la cité HLM du Mont-Mesly à Créteil (94). Yvan est un enfant unique. Il le regrettera toujours, et c’est sans doute l’une des raisons pour laquelle il choisira, adulte, d’avoir une grande famille.
Il grandit donc seul auprès de son père, horloger, et de sa mère, femme au foyer, qui va le choyer d’autant plus qu’elle pensait ne pas pouvoir avoir d’enfant. “J’étais vraiment le roi”, confie-t-il au Figaro, en 2018. Le jeune Yvan se rêve d’abord en rockeur, anglais ou américain de préférence. Son truc c’est la musique, pas vraiment les paroles. La chanson française, très peu pour lui, à part un certain Serge Gainsbourg, qu’il juge aussi doué pour l’écriture des paroles que des sons.
S’il savait… Très vite, il se rend à l’évidence, il a beau aimer la musique, elle ne le lui rend pas vraiment. Alors il va se découvrir une autre passion et une autre envie, faire du cinéma. Son père le voit déjà avocat ou médecin, mais lui passe tous ses samedis dans la salle obscure qui est à côté de la boutique et enchaîne les films pendant des heures au lieu d’étudier. Il ratera d’ailleurs son bac et va se retrouver vendeur chez papa qui finit par accepter sa vocation. “Mes parents sont irréprochables. Je n’ai aucun grief à leur encontre. Ils m’ont aimé et armé ”, jure-t-il dans le Journal du dimanche en 2015. Dans l’horlogerie de son père, Yvan excelle en rayage de montres et se fait gentiment virer. Il bossera alors dans une boutique du centre commercial Créteil Soleil puis sera veilleur de nuit et serveur. À 20 ans, il vend des jeans à Paris. Mais il ne lâche pas son rêve de cinéma et prend des cours chez Florent. Le jeune homme a de la volonté et de la rigueur. Ça paye. Ce garçon qui ne vient pas du sérail obtient son premier rôle au cinéma en 1989 dans Un monde sans pitié, d’Éric Rochant.
Une tumeur à la gorge
Le public l’aime, la profession l’adoube en lui remettant le césar du Meilleur Espoir masculin l’année suivante. Il enchaîne les tournages et c’est sur un autre, d’Éric Rochant encore, qu’il rencontre l’amour. Elle s’appelle Charlotte, elle va mal, elle parle peu. Nous sommes en 1990. Dans un an, elle va perdre son père et tous ses repères avec. Yvan sera le sien. Il est aussi maniaque que Serge était foutraque. Encore aujourd’hui, après presque trente-trois ans d’amour, il a du mal à supporter les tasses de thé que Charlotte laisse traîner partout. Il déteste les gens en retard et puis, il sait ce qu’il veut. Yvan trace sa route, dans tous les domaines. On l’appelle Monsieur Gainsbourg ? Il s’en fi che, il aime Charlotte.
C’est d’ailleurs pour être auprès d’elle pour la naissance de leur premier enfant, Ben, en 1997, qu’il refusera de jouer dans Taxi. Pas question d’aller tourner à Marseille et de risquer de ne pas lui tenir la main à l’accouchement. Il va également refuser La Vérité si je mens !, de Thomas Gilou, et même Le Cinquième Élément de Luc Besson. Le blockbuster aurait pourtant pu lui ouvrir les portes d’une carrière internationale, comme celle de sa compagne, mais qu’importe, il veut réaliser et il va le faire. Ce sera Ma femme est une actrice en 2001. Il y donne la réplique à Charlotte, justement, et il peut exorciser ses jalousies de la voir en embrasser d’autres à l’écran. C’est Ben, leur fils, qui joue le petit garçon. On est comme ça chez les Attal-Gainsbourg, on vit les choses ensemble. On s’aime, on s’engueule mais, surtout, on partage. Sous ses airs bonhomme et dilettante, Yvan est un stressé. Il fume clope sur clope, mais panique au moindre bobo. Ce grand hypocondriaque a longtemps pu appeler son médecin à toute heure et écumé les laboratoires d’analyses pour comparer leurs résultats. Et puis, un jour, il a eu un vrai souci. C’était une tumeur bénigne à la gorge. Mais, couplée à une analyse qui lui a fait comprendre que son hypocondrie était en partie due à sa culpabilité face à un bonheur qu’il ne pensait pas forcément avoir mérité, ça l’a calmé. Le père de famille se soigne pour son bien et celui de Charlotte et leurs trois enfants. À l’aube de la soixantaine, il a fait la paix avec le succès, refuse les réseaux sociaux et aime autant les plateaux de ciné que sortir faire ses courses à Paris, dans le 6e pour préparer le déjeuner du dimanche. En famille, bien sûr…
Louise Monteil