Michel Pollet, un habitant de la région de Dieppe, recherche un musée pour son exceptionnelle collection sur la vie quotidienne pendant l’occupation, la déportation et la Shoah.
Michel Pollet est tombé dedans tout petit, près de Dieppe ! « J’ai commencé à l’école primaire, sourit, avec un air espiègle, le retraité de 73 ans. Un instituteur m’avait donné un casque pour une cérémonie aux monuments aux Morts ». Et puis son père, pendant l’occupation, a assisté à une rafle alors qu’il était à Paris pour travailler sur les chemins de fer. « Choqué, il s’est caché pour ne pas être pris », ajoute-t-il.
Une exceptionnelle collection
Ces épisodes historiques l’ont marqué. Alors, dès sa vingtième année, Michel Pollet – soutenu par son épouse Ginette qui aime particulièrement les vêtements des années 40 et 50 – commence son exceptionnelle collection. Il a rassemblé des objets concernant la vie quotidienne sous l’occupation, la déportation et la Shoah.
Le passionné tient à préciser qu’il ne détient aucune arme ni d’objets de l’armée allemande. Depuis des années, Michel Pollet a réussi à rassembler des documents rares sur lesquels il est intarissable. L’homme connaît l’histoire de chaque élément de sa collection. Celle-ci est si conséquente qu’il a acheté une petite maison, sur le territoire dieppois, pour l’entreposer. « C’est une collection hors militaria », précise Michel Pollet.
Objets de la vie quotidienne, documents…
En effet, on peut trouver chez lui des vêtements d’époque ayant appartenu à des enfants, des infirmières, des résistants… Il y a aussi de nombreux objets de la vie quotidienne sous l’occupation, mais également des documents administratifs comme des dizaines de cartes d’alimentation, des cartes de circulation temporaire, des coupures de presse, des affiches, des documents officiels…
Mais aussi des témoignages du passé plus douloureux, comme cette robe d’une femme tondue près de Forges-les-Eaux ou la robe d’une jeune mariée du ghetto de Varsovie. « Elles m’ont été données par les familles », explique Michel Pollet. Des histoires qui le touchent parfois personnellement comme avec cette tenue d’un prisonnier de retour à Dieppe. Cet homme parti de force au STO, le service du travail obligatoire, c’était son oncle originaire d’Arques-la-Bataille.
Michel Pollet a réussi à obtenir un des trois seuls colis de Noël revenus en France en 2000, envoyés par le maréchal Pétain aux prisonniers de guerre en Allemagne. À l’intérieur, on trouve du flan en boîte, du tabac, du savon… Un objet rare qu’il est fier de pouvoir montrer.
De précieux contacts
Grâce à un réseau de correspondants fidèles, basés dans toute l’Europe, le collectionneur a accès à des objets convoités. « Ils recherchent pour moi », confie Michel Pollet. « Souvent, les familles préfèrent me faire des dons plutôt que de confier leurs témoignages du passé à des musées, poursuit-il. Elles ne veulent pas les voir près d’objets allemands… »
Ce sont des héritiers qui ne savent pas quoi faire des vêtements ou documents trouvés dans le grenier de leurs parents, des habitations vidées alors que leurs occupants partent vivre en maison de retraite… Autant de situations propices aux legs à une personne de confiance : Michel Pollet. Un peu tous les jours, il se consacre à sa passion.
« Les objets sur la déportation et la Shoah sont plus difficiles à trouver aujourd’hui, remarque-t-il. Ils ne sont pas mis sur le marché ». Ses correspondants sont alors d’autant plus précieux. Une pièce de sa maison-musée est consacrée à cette période sombre de l’Histoire. L’émotion est bien présente quand Michel Pollet raconte l’histoire de cette robe, de ces petits chaussons d’enfants, de ces bottes…
A la recherche d’un musée
Mais le collectionneur n’est pas éternel, et il souhaite exposer ses trouvailles dans un beau lieu, à Dieppe de préférence : « Je veux que le fonds reste tel quel, lance-t-il. Hors de question de disséminer la collection aux quatre coins du pays ! ». Il cherche donc un endroit. Certains musées ont tenté de prendre juste ce qui les intéresse. Refus catégorique de Michel Pollet !
L’AFMD, les Amis de la fondation pour la mémoire de la déportation, soutient Michel Pollet. Et la mairie de Dieppe a été mise au courant du caractère exceptionnel de cette collection. « Ce serait dommage de la voir partir », a souligné Richard Flamein, de l’AFMD, lors de l’assemblée générale de l’association, en janvier.
Par Camille Larher