D’après des vidéos consultées par «Libération», un concert nazi s’est tenu samedi dans la région de Chambéry. Cela quelques jours après l’intervention de Gérald Darmanin, qui avait mobilisé six préfets afin d’empêcher un autre concert prévu dans les Vosges et dont l’annonce avait filtré sur les réseaux sociaux.
Ici les crânes sont rasés, les jeans délavés et les bras bien tendus. On vend des tee-shirts siglés «nazis», de la bière et du cochon. On pogote en écoutant des chants glorifiant le IIIe Reich ou réclamant «la France aux Français». Libération a pu se procurer des images exclusives tournées dans un concert nazi ce week-end en Savoie, dans la région de Chambéry précisément.
Dans ce qui a tout d’une petite salle des fêtes de village, une cinquantaine de skinheads nazis s’étaient réunis samedi. Un public très particulier pour un événement qui ne l’était pas moins. Sur les murs, un drapeau français, ou encore le «Dixie flag» des Confédérés américains. Une poupée gonflable, aussi. Du punk rock tendance «oi !», mais pas seulement comme en attestent les tee-shirts à croix celtique ou à tête de mort de la SS arborés par les spectateurs et qui dissipent tout doute sur l’idéologie générale du concert.
L’événement a bénéficié d’une communication très discrète, qui plus est limitée à des cercles fermés. Une affiche avait bien été diffusée en amont, mais elle ne précisait ni la date ni le lieu. L’organisateur lui-même se contentait de messages sibyllins sur les réseaux sociaux pour tenir informé le public. Il n’a par exemple pas rendu public l’adresse du rendez-vous «pour ne pas faire sauter nos événements par certains individus» et il fallait acheter sa place directement auprès de lui pour obtenir les détails opérationnels.
Ode à la division SS Wallonie
«Les lieux de rendez-vous seront donnés quelques jours avant l’événement pour éviter toutes personnes non prévues», prévenait début février cet organisateur, un certain François, qui signe ses messages d’un «Frankreich !» («France» en allemand) ou d’un «rock haine oi». Et de signaler : «Sur place 2 à 3 stands de merch.» Au menu, selon les images que nous avons pu consulter : des tee-shirts «FCK AFA», pour «fuck anti-fascist action», ou encore des pièces frappées du logo Nike accompagné du slogan «Nazi, just do it». Seuls les paiements en liquide étaient acceptés.
Une partie du public était venu de loin, notamment de Bretagne ou du sud de la France. Pas les artistes. En première partie, la Suissesse Ewiger Sturm avait simplement franchi la frontière pour un tour de chant ouvertement nazi. Elle est connue dans le petit milieu du rock d’extrême droite radicale pour son ode à la division SS Wallonie, par exemple. Son titre la Légion blanche a été particulièrement bien accueilli par une salle braillant en chœur le refrain et multipliant les saluts hitlériens. Une reprise en réalité d’un classique de Légion 88, un groupe historique de la mouvance skin dont le nom fait référence à «Heil Hitler», le «H» étant la huitième lettre de l’alphabet.
Sous les radars de Darmanin
La bande de tondus s’est aussi bien excitée sur les airs aux tonalités punk garage de Boots and Creepers et Riot Krew, deux groupes se revendiquant du RAC (pour «rock against communism») et respectivement originaires de Chambéry et Montbéliard. Si le chanteur de Boots and Creepers était l’organisateur, le groupe star était bien Riot Krew. Une formation active depuis dix ans et qui avait déjà défrayé la chronique pour ses liens avec des groupes néonazis ou suprémacistes européens.
La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmnain, s’était pourtant montré très actif pour empêcher la tenue d’un concert nazi prévu dans les Vosges. L’événement devait réunir des groupes plus connus et donc susceptibles de charrier un public plus nombreux. Son lieu exact n’avait pas non plus été dévoilé. La Place Beauvau a de ce fait décidé de l’interdire et a mobilisé les préfets du département et de ceux environnants, avec succès. Toutefois, le concert nazi savoyard est visiblement passé sous les radars. Chaque année, ces groupes participent chacun à une poignée d’événements de ce type, parfois même dans de vraies salles de concert.
par Maxime Macé et Pierre Plottu