« Mengele avait une apparence agréable, mais il était complètement dépourvu de sentiments humains »: Lidia Maskymowicz, une de ses anciennes cobayes, a encore en 2023 des « flashes » du médecin d’Auschwitz Josef Mengele, qu’elle relate dans un livre avec l’éclairage de travaux d’historiens.
Cette Polonaise d’origine biélorusse est venue témoigner le 1er février au Mémorial de la Shoah à Paris, à 82 ans, à l’occasion de la sortie en janvier de ce livre traduit en français, devant un public majoritairement jeune, qui souvent n’a même pas ou à peine connu le XXe siècle.
Elle est arrivée à trois ans au camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau, dans les bras de sa mère prisonnière politique, en décembre 1943. À cet âge-là, «nous étions incapables de travailler, mais on pouvait mener de pseudo-expériences scientifiques sur nous», raconte-t-elle à l’assistance dans un auditorium, traduite par une interprète.
Josef Mengele, 32 ans alors, chercheur en génétique, avait été affecté cette année-là dans ce camp. Il y avait vu une chance de se procurer des cobayes humains, qui subirent sous sa supervision des traitements atroces, en dehors de toute préoccupation éthique.
«Pardonner» ?
Le livre témoignage, «La petite fille qui ne savait pas haïr» (éditions Michel Lafon), a été rédigé avec un journaliste italien, Paolo Rodari. En mai 2021, voyant le pape François embrasser le tatouage de cette survivante d’Auschwitz, ce vaticaniste se met en tête de lui faire raconter son histoire, via une interprète là encore. En italien, le récit sort en janvier 2022, puis il a été traduit en polonais, espagnol, anglais et portugais.
En français, le hasard veut qu’en même temps que celui de Lidia Maksymowicz soit republié le récit d’une autre survivante, «Les jumelles de Mengele» par Eva Mozes Kor (éditions Armand Colin). Cette Juive roumaine est décédée en 2019.
Josef Mengele est quant à lui mort en fuite au Brésil en 1979, sans avoir jamais dû répondre de ses crimes. Les deux autrices ont pour point commun d’insister sur leur absence de haine contre le Dr Mengele. Les mots d’Eva Mozes Kor ont même fait débat, là où elle écrit qu’une femme lui a demandé si elle envisageait de «pardonner».
«La question m’a d’abord interloquée, mais je lui ai ensuite promis que je le ferais: en effet, j’avais aussi le pouvoir de pardonner à l’Ange de la mort», explique-t-elle dans son ouvrage. «J’ai choisi de ne pas cultiver la haine et la vengeance», écrit pour sa part Lidia Maksymowicz.
«Regard glaçant»
Quand on lui demande comment elle peut garder des souvenirs alors qu’elle était si jeune à Auschwitz-Birkenau, elle parle de «flashes», comme les fois où «l’instinct de l’enfant nous a indiqué de nous cacher sous les couchettes, pour ne pas être vus par le Dr Mengele».
Pour savoir ce qu’elle a vécu exactement, elle a consulté les travaux des historiens. «On nous prélevait du sang. (…) On testait également sur nous des vaccins (…) On instillait dans nos yeux une solution censée changer la couleur de nos yeux en bleu», énumère-t-elle au Mémorial de la Shoah.
Dans le livre, elle explique n’avoir gardé aucun souvenir des traits du célèbre nazi, mais de ses «bottes bien cirées» et de «son regard glaçant». Le jour approche où plus personne ne pourra dire l’avoir vu à l’oeuvre à Auschwitz.
«Actuellement, on a l’impression que les gens sont plutôt indifférents à ce qui s’est passé. Donc tant que j’ai la santé, tant que j’ai la force, je veux témoigner pour qu’il n’y ait pas d’indifférence», souligne-t-elle, interrogée par l’AFP avant de donner sa conférence.
La vieille dame s’y est présentée avec une peluche de Mickey dans les bras. Elle a expliqué qu’elle la rapportait de Disneyland, où elle s’était rendue pour faire plaisir à l’enfant en elle.