C’est à Edith Bonnem et à sa famille que les Archives départementales de l’Orne, à Alençon, consacrent, jusqu’à fin avril, une exposition, richement documentée, sur la Shoah.
« Edith et les siens » ou l’horreur de la Shoah racontée à travers une famille ornaise. Telle est la nouvelle exposition proposée par les Archives départementales de l’Orne, à Alençon, jusqu’au 30 avril 2023.
« Edith et les siens » décrit la mécanique glaçante de la Shoah à travers la vie et la mort d’Edith Bonnem, jeune Alençonnaise dont le seul crime fut d’être juive, et de celles des onze membres de sa famille qui, après elle, ont été exterminés dans les camps de concentration nazis.
Edith avait 15 ans. Elle vivait rue des Granges à Alençon. Elle aimait le piano, les sorties à la piscine, faire de la bicyclette. Elle a été assassinée au camp de concentration d’Auschwitz, en Pologne, le 5 août 1942. Car Edith Bonnem-Kahn était juive.
À Alençon en 1937
À travers de nombreux documents (archives administratives, photographies, correspondances, etc.), les Archives départementales de l’Orne invitent à découvrir la destinée de cette jeune fille et des membres de sa famille. Racontant à travers elle, le drame de la Shoah.
À travers le destin tragique de trois générations se révèle la mécanique implacable de la persécution qui frappa entre 300 000 et 330 000 juifs en France.
Les documents collectés par le service des Archives du Département de l’Orne témoignent ainsi du programme génocidaire nazi qui se met en place avec la collaboration de l’État français : le contrôle, la stigmatisation, la privation de droits, l’exclusion de la vie sociale, la persécution, l’internement, la déportation, l’assassinat.
Onze membres de la famille exterminés
« En cette journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité, les Archives départementales donnent une fois de plus la pleine mesure de l’utilité sociale et politique des archives et de l’histoire », a confié Valérie Alain, conseillère départementale, lors du vernissage de l’exposition, vendredi 27 janvier.
« Edith Bonnem, c’est la première victime de la famille Bonnem Kahn, la plus durement touchée des familles juives ornaises par la Shoah. Une famille dont onze membres ont été exterminés dans les camps de concentration entre 1942 et 1944. Edith, c’est l’histoire tristement banale d’une jeune fille de 15 ans qui a été prise dans les griffes de la guerre et du nazisme tout simplement parce qu’elle était juive. Arrêtée à Alençon le 13 juillet 1942, elle a été assassinée le 5 août à son arrivée à Auschwitz. »
Willoquet abattu
En 1987, Alençon a honoré la mémoire d’Edith Bonnem en inaugurant le Centre social Edith Bonnem en présence de François Mitterrand, alors Président de la République, et d’Alfred et Rosa Khan, oncle et tante d’Edith, qui avaient fui en zone libre et ont échappé de peu à la police française.
« Ils étaient revenus, après la guerre, habiter rue des Granges, à Alençon, et n’ont cessé ensuite de porter la mémoire de leurs défunts », a poursuivi Valérie Alain, l’élue départementale en charge de la culture non sans rappeler que le 27 décembre 1990, Rosa Kahn fut séquestrée et violentée, à son domicile de la rue des Granges à Alençon, par Jean-Charles Willoquet, lieutenant de Mesrine, qui fut abattu ce même jour par un policier alençonnais.
Initiée par le lycée Navarre
« L’histoire de la persécution des juifs m’amène à penser que le bien le plus cher que nous ayons est la démocratie. Les régimes totalitaires engendrent les pires exactions. Nous devons tous, chacun à notre niveau, défendre cette démocratie », a souligné Valérie Alain, ajoutant « Pour entretenir la vigilance, il est important d’écrire l’histoire, de la faire connaître, d’entretenir la mémoire ».
Elle a salué le fait que cette exposition résulte de la sollicitation initiale d’enseignants du lycée Marguerite-de-Navarre, et que le travail réalisé depuis va être mis à disposition du public scolaire : à travers la version itinérante de l’exposition, le dossier documentaire consultable sur le site internet des archives, les livrets pédagogiques.
Elle a annoncé que des lycéens et des enseignants du lycée Maréchal Leclerc mènent, cette année, un projet sur la Shoah dans l’Orne dans le cadre du dispositif régional Mémoire d’Auschwitz.
Devoir de mémoire
L’élue de l’Orne a conclu son propos en remerciant la famille d’Edith Bonnem, « les cousines et cousins germains qui, depuis 2014, ont nourri le travail d’histoire avec les archives et photographies qu’ils possédaient ou dont ils ont fait don, aux Archives de l’Orne ou à différents organismes consacrés à la mémoire de la Shoah ».
Ils n’étaient pas présents lors du vernissage « mais certains ont prévu de venir visiter l’exposition en avril ».
L’exposition Edith et les siens, devoir de mémoire autant que d’histoire, a vocation à être d’utilité publique.