Un ouvrage sur le sionisme, exhibant des caricatures grotesques et véhiculant des clichés xénophobes : il n’en fallait pas plus pour qu’Israël tire à boulets rouges. L’universitaire Muhamed Medhat Mustafa, qui en est auteur, déplore qu’on lui ait confisqué les exemplaires, au premier jour de la Foire internationale du livre du Caire.
Ce 23 janvier, un communiqué de l’État hébreu faisait part d’une grande inquiétude, alors qu’était vendu un texte antisémite, lors de la manifestation littéraire.
La couverture de l’ouvrage ne laisse aucune place à l’ambiguïté : on y voit un juif au nez crochu ourdissant un complot au pays de Naguib Mahfouz. Un objet digne de la xénophobie décomplexée des siècles passés – voire de documents comme Les protocoles des Sages de Sion.
Entre tensions et coopération
Au fil d’interviews avec les médias locaux, partagées sur Facebook, Muhamed Medhat Mustafa a amplement évoqué sa déception : la situation en Égypte aurait favorisé l’interdiction de son livre. En outre, il affirmait avoir pris toutes les mesures légales pour garantir la commercialisation. De fait, son essai avance une histoire très personnelle du sionisme.
D’autres titres comme Mein Kampf d’Adolf Hitler ou Le juif international d’Henry Ford ont également hanté les stands de la plus ancienne foire du livre du monde arabe. D’autres écrits, moins tristement célèbres, sur le Talmud, l’Holocauste, ou encore la famille Rothschild ont même garni certains stands de la manifestation égyptienne.
La haine fait vendre
En France, les éditions d’Alain Soral, Kontre Kulture, ont publié nombre de ces textes, dans la collection, « les Infrékentables »… On y parcourt, entre autres, l’ouvrage de Lucien Rebatet, Les tribus du cinéma et du théâtre, un « Testament politique » et un « Livre secret » de Hitler lui-même, ou encore des brûlots du XIXe siècle, comme Les Rothschild, d’Édouard Demachy ou Les Juifs, rois de l’époque : histoire de la féodalité financière, d’Alphonse Toussenel.
Après des actions de La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) pour trouble manifeste à l’ordre public, certains titres furent retirés de la vente par la plus que sulfureuse maison d’édition. Citons, pour exemple, Anthologie des propos contre les Juifs le mois dernier, de l’essayiste Paul-Éric Blanrue, La Controverse de Sion d’un peu connu Douglas Reed, La France Juive d’Édouard Drumont, Le Salut par les Juifs de Léon Bloy et Le Juif international de Henry Ford…
Restent toujours en vente, Combat pour Berlin de Joseph Goebbels, Berlin, Hitler et moi d’Abel Bonnard ou encore un certain Mon Combat…
Demandes sans résultats
Prêchant l’apaisement, le ministère des Affaires étrangères israélien, assure : « Nous sommes déterminés à poursuivre nos efforts pour renforcer la coopération avec nos partenaires égyptiens de sorte à consolider la paix, la stabilité et la sécurité. » Et d’ajouter : « Et en parallèle, œuvrer également dans la lutte contre l’antisémitisme. »
En 2020, une lettre du président de l’Anti-Defamation League (ADL), Jonathan Greenblatt, interpellait le président égyptien, Abdel Fattah el-Sissi. Son association se concentre sur la défense des Juifs contre toute forme d’antisémitisme et de discrimination. Et à ce titre, demandait que ne soient plus proposés ces ouvrages ouvertement haineux lors de l’événement annuel du Caire. Sans succès visiblement.
Réconcilier les États
Après deux affrontements militaires, la guerre des Six Jours en 1967 et du Kippour en 1973, un accord de paix historique est signé en 1979 sous l’égide des États-Unis. Aujourd’hui, les pays partagent des intérêts sécuritaires dans la bande de Gaza, dans le Sinaï et en Méditerranée orientale. L’Égypte sert régulièrement de médiateur entre Israël et le groupe terroriste palestinien Hamas, qui gouverne la bande de Gaza et partage une frontière avec l’Égypte.
En revanche, la plupart du peuple Égyptiens rejette les liens avec Israël, en soutien, entre autres, au peuple palestinien. La foire internationale du livre du Caire se poursuit jusqu’au 6 février. L’événement a également été accusé de censure contre les opinions critiques à l’égard du gouvernement et contre les islamistes.
En 2021, selon plusieurs associations de défense des droits humains, on comptait entre 60.000 et 100.000 détenus en Égypte, soit quasiment un Égyptien sur 1000. Depuis son arrivée au pouvoir, Abdel Fattah al-Sissi a d’ailleurs construit une dizaine de nouvelles prisons…
Hocine Bouhadjera