D’Elbeuf à Auschwitz, des lycéens retracent le parcours de Jean Katzburg, déporté

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À Cracovie puis dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, des élèves du lycée André-Maurois d’Elbeuf sont partis sur les traces de Jean Katzburg, un élève de leur établissement déporté et tué il y a bientôt quatre-vingts ans. Un devoir d’étude passionnant et émouvant sur la Shoah.

Il avait 16 ans. Peu ou prou comme eux. Mais il n’est pas né comme eux, ici et maintenant, aurait chanté l’artiste.

Il s’appelait Jean Katzburg. Un adolescent comme tant d’autres. Nous sommes dans les années 1940. Sur la photo récupérée aux archives départementales de Seine-Maritime, c’est un jeune homme qui a fier allure. Qui porte beau. Costume, cravate, bien peigné. Regard déterminé. Et ce « J »  ? Le « J » de juif qui a été apposé sur sa carte d’identité dont la photo est extraite.

Un élève de leur lycée

Jean, dont le prénom a été francisé, est lycéen au petit lycée Corneille, devenu depuis lycée André-Maurois à Elbeuf. « Mais il est arrêté dans la grande rafle qui se tient dans la nuit du 15 au 16 janvier 1943 », rapporte Alexandre Audebert, professeur d’histoire de l’établissement. Avec ses élèves de TSTMG1, il s’est rendu sur les traces de l’adolescent déporté dans le cadre du voyage d’étude organisé pour sept classes normandes par la Région en lien avec le Mémorial de la Shoah à Auschwitz-Birkenau.

Pour préparer les commémorations de la rafle, les 25 élèves elbeuviens viennent appréhender l’histoire sur laquelle ils travaillent depuis plusieurs semaines déjà. En arrivant à Auschwitz, près de la judenrampe, où les juifs étaient séparés, le silence des adolescents est éloquent. Jean a foulé cette terre presque huit décennies avant eux : après avoir été déportés à Drancy, lui et ses parents ont été transférés vers le camp de concentration et d’extermination en Pologne où ils arrivent le 2 septembre 1943.

Comprendre l’horreur

Une guide leur explique les critères des nazis pour déterminer qui allait survivre quelque temps et qui serait dirigé immédiatement vers les chambres à gaz. « Donc, vu les âges, 16 ans et 51 ans, on peut dire que Jean et son père ont été gazés tout de suite ?   », avance l’un d’eux. Car la date de décès du jeune garçon et de son père est inconnue ; la mère, elle, a été assassinée le 7 décembre 1943, comme l’attestent les documents retrouvés.

« Concernant Jean et son père, c’est une probabilité, confirme un accompagnateur du Mémorial de la Shoah. Mais il est possible aussi, en fonction de leurs gabarits par exemple, qu’ils aient été un temps utilisés comme main-d’œuvre. » Une chose est acquise : qu’ils aient eu un semblant d’espoir ou que leurs destins aient été scellés en descendant du convoi 59, ni Jean ni son père n’ont survécu à l’horreur du camp. Sur 1,3 million de personnes déportées à Auschwitz, dont 1,1 million de juifs, 900 000 ont été tuées dans les heures qui suivaient leur arrivée. Et à peine 200 000 personnes ont survécu à leur déportation.

Une horreur que les lycéens normands n’imaginaient pas aussi abominable. Et dont ils prennent la pleine mesure à chaque pas effectué dans le camp. Alors qu’ils sont emmitouflés dans d’épais vêtements, ils grelottent en imaginant les victimes en haillons par -30ºC dans des baraquements puants.

Commémorations et hommages

L’heure du déjeuner retardée leur semble bien moins grave en découvrant le menu quotidien des prisonniers. Le choc du récit de la guide polonaise conjugué aux vestiges du camp et à la visite des salles d’Auschwitz I laissent certains lycéens groggy et cois.

« Tant qu’on n’est pas sur place, on ne peut pas imaginer réellement ce qui s’est passé, admet Kenan, 17 ans. Le fait d’y être, c’est là que l’on voit toutes les horreurs qu’ils ont subies. Je ne sais pas comment ils ont pu subir toutes ces épreuves. C’est important d’y être pour mieux comprendre. »

Mieux comprendre et transmettre. Aux potes du lycée qui n’ont pas fait le déplacement, aux proches. Au grand public aussi. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont associés aux commémorations organisées lundi 16 janvier à Elbeuf, durant lesquelles une nouvelle plaque rappelant la rafle de Jean et de sa famille, rue Céleste à Elbeuf, va être apposée. Ils seront également conviés le 27 avril 2023 pour la pose des Pavés de Mémoire par l’artiste allemand Gunter Demnig. Ils y présenteront le compte rendu de leur voyage d’étude. Pour que l’histoire de Jean survive. Pour que l’histoire jamais ne se répète.

« Ils sont les meilleurs défenseurs de la mémoire »