Il est des combats très difficiles à mener, par exemple, faire condamner un rabbin pour viol en Israël. Nehama Teena le constate tous les jours. Cette mère de famille de 38 ans, vivant dans une communauté orthodoxe du sud de Jérusalem, exige que soit jugé Tzvi Thau, un influent religieux de 84, qui l’aurait agressé sexuellement, il y a de ça plusieurs années.
Chaque lundi devant le Parlement israélien, Nehama Teena est là, à manifester. Son combat? Exiger que l’influent rabbin qu’elle accuse de viol soit jugé et ainsi briser l’omerta dans le monde religieux autour des crimes sexuels. « Je ne demande pas qu’on me croie sur parole mais qu’on m’écoute et qu’on cesse d’empêcher les victimes de parler », soutient cette mère de cinq enfants, âgée de 38 ans.
En août, Nehama avait jeté un énorme pavé dans la mare des religieux en racontant sur Facebook avoir été violée par Tzvi Thau, un rabbin de 84 ans à la tête d’institutions religieuses de premier plan en Israël, leader spirituel de la formation d’extrême droite Noam.
Celle-ci a d’ailleurs signé un accord de coalition avec le Likoud du Premier ministre désigné Benjamin Netanyahu afin de rejoindre le prochain gouvernement, son député Avi Maoz devant prendre la tête d’une administration chargée de promouvoir « l’identité juive » du pays.
Refusant toute interview à l’AFP, comme à d’autres médias, Tzvi Thau s’était fait connaître hors du milieu sioniste religieux pour son soutien à Chaïm Walder. Ce populaire auteur ultra-orthodoxe s’est suicidé il y a un an après des accusations, qu’il avait rejetées, de crimes sexuels sur une vingtaine de personnes dont des enfants.
Nehama Teena traque le rabbin Thau jusque devant sa yeshiva (école talmudique) dans un quartier du sud de Jérusalem, où elle a organisé récemment une manifestation. « Ce n’est pas évident pour moi de venir ici, j’ai fait partie pendant plus de 15 ans de cette communauté, j’ai été mariée à un homme de cette communauté et mes enfants ont étudié dans ses institutions », raconte-t-elle sur place. « Je viens au nom de la Torah (…) il y a des gens qui souffrent, il s’agit vraiment de questions de vie ou de mort, des personnes qui se battent jour après jour », ajoute-t-elle, la tête recouverte d’un foulard comme le portent les femmes juives pratiquantes.
« Onde de choc »
Pour Yair Ettinger, un chercheur spécialisé dans le monde juif religieux, Tzvi Thau est non seulement l’un des rabbins « les plus influents » d’Israël, mais aussi « l’un des plus conservateurs et radicaux ».
Une seconde femme, Dorit Lang, a raconté à la télévision israélienne une tentative de viol par Tzvi Thau datant d’il y a 40 ans. Même si cette affaire est prescrite, cette interview a semblé renforcer le message de Nehama. Si, pendant des semaines, celle-ci a manifesté seule devant le Parlement à Jérusalem, elles sont depuis ce second témoignage des dizaines, notamment membres de sa famille, à l’accompagner et à la soutenir chaque lundi.
Pour son frère Yossef Boyarski, 31 ans, ce combat est « contre tout le système d’omerta dont nous souffrons et les autres victimes aussi ». « Il s’agit d’un combat public et non pas personnel », dit-il, affirmant que sa sœur avait refusé une offre financière, proposée en échange de son silence.
L’affaire des agressions sexuelles présumées « a créé une onde de choc dans le monde religieux », affirme M. Ettinger. « C’est le début d’un processus profond, il est difficile de savoir quelles en seront les conséquences à long terme sur le monde religieux ».
Confrontation
Ces dernières semaines, un nombre croissant de rabbins ont demandé publiquement l’ouverture d’une enquête, exprimant leur soutien à Nehama. « Nous avons appris de #MeToo (…) La honte a changé de camp, ce sont les agresseurs qui doivent avoir honte, plus les victimes », souligne Carmit Feintuch, une rabbine qui dirige une communauté orthodoxe à Jérusalem et vient chaque semaine soutenir Mme Teena.
Début décembre, le chef du parti d’extrême droite « Sionisme religieux », Betzalel Smotrich, a été le premier politique à s’exprimer sur le sujet, appelant dans une interview à « faire toute la lumière sur ces plaintes ». La famille de Nehama affirme posséder les noms de six autres femmes victimes de Tzvi Thau.
Après des mois de combat, la police a indiqué mi-novembre avoir ouvert une enquête criminelle, mais Nehama et ses soutiens réclament une confrontation avec le rabbin qui pourrait ne jamais advenir. La presse israélienne s’attendait lundi à ce que le rabbin, qui n’a pas été interrogé par la police selon les médias, soit exonéré faute de « preuves » concluantes contre lui.
en France… aussi, c’est difficile de faire condamner un rabbin ! Et apparemment il s’en est sorti sans encombre le rabbin Farhi, qui avait eu des gestes déplacés en direction d’une petite fille…