Mais qui était Jeanne Weill, cette femme juive décédée au camp d’extermination de Sobibór en 1943 ? Zazie Tavitian, son arrière-arrière-petite-fille, décide un jour de partir sur les traces de cette aïeule disparue, qui a laissé derrière elle un carnet de cuisine, point de départ de cette quête gustative et familiale. L’occasion de repartir dans le passé avec des recettes typiques, et de retracer la grande Histoire, celle de l’Holocauste et de la déportation.
Les enquêtes historiques autour de la Shoah ne manquent pas. Mais celle de Zazie Tavitian détonne : un été, sa cousine lui donne le livre de recettes de Jeanne Weill, son arrière-arrière-grand-mère morte en déportation pendant la Seconde Guerre mondiale. Zazie s’empresse de reproduire ses pâtisseries. Mais elle veut en savoir plus, parce qu’« avant d’être morte, Jeanne était vivante ». D’un livre de cuisine, la jeune journaliste entame un véritable périple pour en savoir plus sur cette femme dont elle sait simplement qu’elle a été déportée.
Pets de nonne, gâteau au chocolat, charlotte aux pommes : au fil des recettes, cette ancêtre se dévoile. Elle ne se définit pas que par son sort tragique. Issue d’un milieu bourgeois, elle habitait dans le XVIe arrondissement de Paris, jouait du piano et collectionnait les timbres ; c’était une femme aimée, avec un mari, des enfants. Comme tout le monde, Jeanne lisait, avait un type de chocolat préféré, allait au marché. De Jérusalem à Dijon, Zazie découvre sa famille, contacte des cousins, des parents éloignés, tout en déroulant le fil de sa propre histoire et de son héritage.
A la recherche de Jeanne naît d’abord avec une série de podcasts Binge Audio. Le succès des cinq épisodes est tel qu’une adaptation en roman graphique est progressivement développée.
Raviver, en douceur, le souvenir de l’Holocauste
Caroline Péron, la dessinatrice, s’est notamment inspirée du documentaire Shoah, de Claude Lanzmann, pour créer son ambiance graphique. Parce que cet ouvrage ne reflète pas que la vie d’une seule femme. Il permet également de se remémorer les temps forts et les lieux symboliques de l’Holocauste : étoile jaune, rafles, déportation en train… Les dessins et les lettres font écho à une période lointaine, sombre : la Shoah est un souvenir qui s’épuise peu à peu, les survivants ne sont plus très nombreux. Les jeunes générations peuvent alors, avec ce livre, reprendre le fil de cette période tragique et raviver le souvenir des disparus.
La dernière lettre de Jeanne date du 23 mars 1943. Elle était destinée à Raphaël, son époux, et fut écrite juste avant son arrivée au camp d’extermination de Sobibór : « Au revoir, cher ami. Je t’embrasse tendrement. »
Avec ce premier roman graphique aux douces couleurs pastel, Zazie Tavitian propose un périple personnel et sincère, sans fioritures ni pathos. Elle a compris que son histoire n’était pas constituée que de souffrances ; et que la vie de Jeanne, comme tant d’autres à son époque, mérite d’être connue et explorée — tout comme ses recettes emblématiques.