Tous les jours, de nouvelles critiques s’en prennent à Donald Trump suite à son dîner chez lui avec le rappeur Kanye West et le suprémaciste antisémite Nick Fuentes. Dans le camp républicain, la parole contre les dérives de l’ex-président se libère un peu plus, mais aucune condamnation unanime.
Aux États-Unis, Donald Trump a-t-il franchi les limites de l’acceptable en dînant avec des antisémites ? Pour de plus en plus de monde aux États-Unis et en Israël, c’est le cas. Depuis la fin de semaine dernière, Donald Trump fait face à des critiques venant de toutes part suite à une dernière révélation fracassante de la presse américaine : l’organisation d’une repas le 22 novembre dernier avec deux personnalités en tous points infréquentables dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride.
Il y a d’abord, comme l’explique ABC News, celui qui est depuis longtemps un des supporters de l’ancien président : l’artiste et star de la mode Kanye West, qui s’est illustré par son comportement erratique ces dernières années et qui semble depuis quelques mois prendre des positions ouvertement antisémites, ce qui lui a valu de vives critiques et la fin de partenariats avec des grandes marques.
Et comme si ce n’était pas déjà suffisant, une autre personne était également à sa table : Nick Fuentes, un jeune homme de 24 ans, commentateur politique, auteur de podcast et vidéaste. Sur son CV, les plus belles expériences du suprémacisme blanc récent : il a participé au rassemblement néonazi de Charlottesville en 2017 qui donnera lieu à une attaque mortelle à la voiture bélier, ou encore aux rassemblements qui ont précédé l’attaque du Capitole de janvier 2021. Ses propos lui ont aussi d’être suspendu de la plateforme YouTube pour incitation à la haine ou encore d’être accusé notamment de nier la Shoah.
Nick Fuentes says America must become an authoritarian Catholic nation where Jews have no power or influence: « I want this country to have Catholic media, Catholic Hollywood, Catholic government. I want this to be a Catholic occupied government, not a Jewish occupied government. » pic.twitter.com/65p9EgQzGB
— Right Wing Watch (@RightWingWatch) November 25, 2022
« Nick Fuentes dit que l’Amérique doit devenir une nation catholique autoritaire où les Juifs n’ont ni pouvoir ni influence : « Je veux que ce pays ait des médias catholiques, Hollywood catholique, un gouvernement catholique. Je veux que ce soit un gouvernement catholique occupé, pas un gouvernement juif occupé. «
Voici le type de propos que peut donc tenir l’un des invités de Donald Trump, et on comprend bien pourquoi cela fait scandale. Faut-il pour autant s’en étonner ? Pas vraiment, selon l’éditorial assez équilibré du Wall Street Journal. Loin d’accuser Donald Trump d’être lui-même antisémite, le journal rappelle toutefois que l’ancien président a pour habitude, dans l’indifférence la plus totale, d’avoir des fréquentations discutables ou des positions complaisantes envers certains de ses supporters, comme ceux présents lors de l’attaque du Capitole. Dans le cas présent du dîner, selon des sources présentes ce soir-là, Nick Fuentes aurait pris soin de flatter son hôte. A Mar-a-Lago, rien n’est plus efficace que la flatterie, déplore le journal.
Face à la polémique, aucune excuse du milliardaire. Comme à son habitude, note le journal, il se défend en disant que ce n’est pas de sa faute, en l’occurrence que Kanye West est celui qui a demandé l’entrevue et qu’il a amené avec lui sans prévenir Nick Fuentes. Il ne connaissait pas Fuentes, assure t-il, ce qui est tout à fait possible, reconnaît un autre éditorialiste du Wall Street Journal, ce qui n’empêche pas de se méfier dans la mesure où Donald Trump aime tester les limites de ce qui est politiquement autorisé. Des limites qu’il a toujours réussi à repousser jusqu’à présent.
Ces limites, elles ont toutefois été dépassées pour de plus en plus de monde, y compris dans le camp Républicain, et il était temps, commente The Atlantic. Il y a même eu des condamnations, ce qui est assez rare, relève le Washington Post : beaucoup d’élus républicains du Congrès, dont certains de premier plan, ou encore son ancien Vice-président, aussi Mike Pence. Pour Axios, l’ancien président est au cœur d’une polémique parmi les plus dangereuses pour sa carrière politique depuis l’attaque du Capitol. Mais il a encore le soutien d’une partie de son camp. Il n’y a pas eu de condamnation unanime de l’establishment républicain, pour qui il faut encore ménager celui qui est toujours le favori dans les sondages pour la présidentielle de 2024.
Le parti Républicain et la droite américaine jouent à un jeu dangereux, alerte la presse israélienne depuis plusieurs mois déjà. Pendant la campagne pour les élections de mi-mandat, Haaretz rappelait les liens qui unissaient déjà certains proches de Donald Trump aux sphères antisémites. Les organisations juives américaines conservatrices sont décriées pour leur complaisance envers le milliardaire, à l’instar du président de l’Organisation Sioniste d’Amérique, l’un de ses grands soutiens, dont le New York Times rapporte aujourd’hui la justification pour le moins surprenante : « Donald Trump n’est pas antisémite, mais il donne une visibilité et il légitimise la haine contre les juifs.«