Des archéologues israéliens ont annoncé avoir découvert une phrase écrite en langue cananéen il y a 3.700 ans sur un peigne à poux. Très rare, il s’agirait de la plus ancienne inscription rédigée dans cet alphabet jamais mise au jour.
Que ceci « éradique les poux des cheveux et de la barbe« . Non, il ne s’agit pas de la publicité d’un nouveau produit destiné à lutter contre les parasites qui affectionnent tant notre cuir chevelu. Cette phrase est au cœur d’une remarquable découverte annoncée le 8 novembre par des archéologues israéliens. Une découverte dont les origines remontent à quelque 3.700 ans.
C’est sur le site archéologique de Tel Lachish, localisé en Israël, à environ 40 kilomètres au sud-ouest de Jérusalem, que cette inscription est apparue. Mentionné à plusieurs reprises dans l’histoire biblique, l’endroit a connu plusieurs phases d’occupation, devenant une cité-Etat au IIe millénaire avant notre ère et abritant l’une des plus importantes cités du royaume de Juda autour du Xe siècle avant notre ère.
En 2017, des fouilles menées sur le site ont permis de mettre au jour un peigne en ivoire mesurant 3,5 centimètres sur 2,5 cm. Mais ce n’est que cette année en nettoyant et en étudiant l’objet que les lettres sont apparues. Et quelles lettres. La phrase complète, « que cette défense éradique les poux des cheveux et de la barbe« , est en effet inscrite en alphabet cananéen, l’un des plus anciens connus.
« C’est la première phrase jamais trouvée en langage cananéen en Israël« , a expliqué dans un communiqué Yosef Garfinkel, archéologue à l’université hébraïque de Jérusalem qui a co-dirigé les fouilles sur le site. « Il y a des Cananéens à Ougarit en Syrie mais ils écrivent avec un alphabet différent, pas celui qui est encore utilisé aujourd’hui« .
« Les cités de la civilisation Canaan sont mentionnées dans des documents égyptiens dont les lettres d’Amarna qui sont écrites en akkadien, et dans la Bible hébraïque. L’inscription du peigne est une preuve directe de l’utilisation de cet alphabet dans les activités quotidiennes il y a quelque 3.700 ans » par les habitants de Lachish, a poursuivi le spécialiste.
Une inscription « très humaine »
Les analyses du peigne n’ont pas permis d’aboutir à une datation précise mais l’équipe estime que sa conception remonte à 1700 avant notre ère. A cette époque, les instruments étaient fabriqués en bois, en os ou en ivoire. Ce dernier représentait toutefois un matériau très cher, faisant du peigne un objet de luxe probablement importé de l’Egypte voisine.
D’après les archéologues, des indices ont suggéré que l’élite de l’époque souffrait de poux, donnant une dimension supplémentaire à la phrase découverte. « L’inscription est très humaine« , a confirmé le Pr. Garfinkel cité par The Guardian. « Vous avez un peigne et sur ce peigne, vous avez un souhait de détruire les poux des cheveux et de la barbe« .
« Aujourd’hui, nous avons tous ces sprays et les médicaments et poisons modernes. Mais dans le passé, ils n’avaient pas tout ça« , a-t-il appuyé. De précédentes fouilles avaient déjà permis de retrouver une dizaine d’inscriptions similaires mais jamais une phrase entière comme celle trouvée sur le peigne qui, comme les versions actuelles, présentait des dents à ses deux extrémités.
La phrase est composée d’un ensemble de 17 lettres à la forme archaïque représentant probablement le premier stade de l’invention de cet alphabet. Ces lettres d’à peine un à trois millimètres de large constituent sept mots minutieusement gravés. Une démonstration du savoir-faire de l’époque en la matière et un éclairage inédit sur certains aspects de la culture cananéenne.
C’est la première fois que les archéologues mettent au jour dans la région une inscription écrite faisant référence à la fonction d’un objet, les traces trouvées jusqu’ici évoquant plutôt une dédicace ou le propriétaire de l’objet. Ce peigne et cette phrase représentent un « jalon dans l’histoire de la capacité humaine à écrire« , a déclaré le Pr. Garfinkel.
Des restes de pou encore présents
L’étude de l’instrument a aidé à déterminer qu’il possédait six dents larges et espacées d’un côté et 14 dents plus fines et resserrées de l’autre. Après une analyse au microscope, les chercheurs ont réussi à y révéler des restes de pou de 0,5 à 0,6 millimètre de large sur l’une des dents. Les conditions climatiques régnant à Tel Lachish n’ont toutefois pas permis la préservation d’un parasite complet.
Les restes en question seraient la membrane externe d’un pou en stade larvaire, comme l’expliquent les archéologues dans l’étude publiée par la revue Jerusalem Journal of Archeology. D’autres traces plus anciennes de parasite ont été découvertes par le passé. En Israël, des œufs de pou vieux de 9.000 ans sont apparus dans les cheveux d’un individu retrouvé dans la grotte de Nahal Hemar près de la mer Morte.
Emeline Férard