Elsa Zylberstein s’est livrée à un véritable marathon pour incarner Simone Veil dans un biopic respectueux, « Simone – Le voyage du siècle ».
Elle en est consciente, un rôle de cette envergure n’arrive qu’une fois dans une vie. Elsa Zylberstein incarne Simone Veil dans le biopic Simone – Le voyage du siècle, d’Olivier Dahan, qui retrace le destin extraordinaire de cette rescapée de la Shoah devenue ministre de la Santé, présidente du Parlement européen et symbole de la lutte contre la discrimination des femmes en France. S’attaquer à un tel monument demande du courage et de la détermination. « De l’inconscience aussi, assure la comédienne, coproductrice, qui a porté ce film ambitieux à bout de bras pendant cinq ans. Je l’ai voulu, alors il a bien fallu que je me retrousse les manches quand les planètes se sont enfin alignées. »
Elle avait rencontré Simone Veil lors d’une remise de prix à Paris organisée par l’université hébraïque de Jérusalem en 2007. « Je tremblais en lisant mon discours devant une si brillante oratrice, souligne-t-elle. Elle m’a invitée à sa table. Puis nous nous sommes vues régulièrement. Je lui ai fait part de mon désir de transposer sa trajectoire exceptionnelle sur grand écran. Quand j’ai assisté à ses obsèques aux Invalides et mesuré la perte que sa disparition représentait, j’ai senti que c’était ma mission et ma responsabilité de mener à bien ce projet. »
De quatre à sept heures de maquillage
Elsa Zylberstein a entamé un véritable marathon, ne laissant rien au hasard. Compilant toutes les émissions de radio et de télévision, les archives de l’INA, dévorant livres et documentaires, menant sa propre enquête en allant interviewer les membres de sa famille – ses fils Jean et Pierre-François, sa cousine –, ses proches collaborateurs – son secrétaire, son directeur de cabinet et Paul Schaffer, son ami du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. « Un monsieur adorable de 95 ans à qui je téléphonais chaque semaine, indique-t-elle. J’ai travaillé d’arrache-pied à entrer dans chaque pas, chaque geste, chaque respiration, chaque battement de cils et chaque avalement de salive ! Je souhaitais ne plus me reconnaître. »
Sa voix était différente selon l’âge et les circonstances : au micro de l’Assemblée nationale ou des médias, dans l’intimité. Pas question pour autant de l’imiter : Elsa voulait que Simone soit en elle viscéralement, comme une seconde peau. L’actrice a donc oublié son propre corps et pris 9 kilos. « Moi qui ai pratiqué la danse classique pendant vingt-cinq ans, j’ai tout lâché. » Outre les prothèses et les renforts pour modifier son visage et sa silhouette, la garde-robe entière reproduite à l’identique et la perruque iconique, elle a subi de quatre à sept heures de maquillage selon si elle interprétait Simone Veil à 35 ou à 87 ans. « Sa voix était différente selon l’âge et les circonstances : au micro de l’Assemblée nationale ou des médias, dans l’intimité. »
« Elle m’inspire tant »
Elle pouvait se raccrocher à leurs points communs. « Mon père, enfant juif caché à l’âge de 3 ans pendant la guerre et sauvé par des Justes, a grandi dans un milieu laïque comme Simone, précise-t-elle. Elle m’inspire tant. Quel modèle de résilience, d’élégance, de pudeur, de force ! J’ai vu dans son regard qui m’impressionnait une telle humanité et une telle empathie… Elle a connu l’horreur, mais a relevé la tête et avancé, refusant le statut de victime. Toujours à l’écoute des plus démunis, sur le terrain, s’indignant et luttant contre les injustices. »
Elsa Zylberstein n’oublie pas que c’est Simone Veil qui a fait adopter la loi dépénalisant le recours à l’IVG. « Interdire l’avortement est un acte de barbarie envers les femmes, certaines sont en danger de mort. Rien n’est jamais acquis : les États-Unis opèrent un retour en arrière affolant. » L’actrice s’est recueillie à Auschwitz en compagnie de Ginette Kolinka, 97 ans. L’occasion de réaliser son tout premier court métrage, d’après son témoignage bouleversant.
Simone Veil méritait bien un film pour retracer sur grand écran ses multiples combats de femme et de politicienne. En articulant (pas toujours de façon très fluide) les allers-retours entre le passé et le présent, Olivier Dahan montre comment les épreuves de l’enfance (les années passées dans le camp d’Auschwitz) ont fait la détermination de la femme à lutter contre toutes les formes d’injustice. Si Elsa Zylberstein donne sa force de caractère à celle qui a fait voter la loi relative à l’IVG en 1975, la jeune Rebecca Marder apporte une belle fragilité à une survivante qui cherche à tracer sa nouvelle route. Un bel hommage.
Par Stéphanie Belpeche