Installé au cœur du gigantesque hôpital Sheba, dans la banlieue de Tel Aviv, le Centre israélien de simulation médicale (MSR) forme les professionnels de santé avec des techniques surprenantes, inspirées de l’armée.
“L’erreur médicale est une épidémie.” Un brin provocateur, le professeur Amitai Ziv ne mâche pas ses mots pour épingler les failles des systèmes de santé mondiaux. Y compris ceux où les investissements publics sont généreux. Cet ancien pilote de l’armée de l’air israélienne, devenu pédiatre, a fondé en 2001 un centre de formation dédié aux soins et à la sécurité des patients, qui collabore avec les écoles de médecine et les hôpitaux du pays. “On se raconte souvent que les erreurs médicales sont la faute de la malchance, mais ce n’est pas vrai. Ce fléau, qui est tout de même la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis, est lié à l’éducation et la formation des médecins et soignants”, attaque le sexagénaire à la carrure imposante et au débit pressé.
Installé au sein du gigantesque hôpital Sheba, dans la banlieue de Tel Aviv, le Israel Center for Medical Simulation (MSR) est un passage obligé pour les professionnels de santé du pays. Urgentistes, anesthésistes, infirmiers, sages-femmes et étudiants en médecine, tous les professionnels doivent passer par ce centre, y compris les pharmaciens. Au total, 18.000 soignants y suivent une formation chaque année.
Méthodes d’entraînement militaire
Une formation surprenante, qui s’inspire des méthodes d’entraînement militaire basé sur la simulation. Concrètement, le centre a reproduit un environnement de soins virtuel sur 2.400 mètres carrés. Dans une salle lumineuse, par exemple, des mannequins de bébés branchés à des machines permettent de former les équipes à des gestes cliniques complexes. La pièce voisine est transformée en chambre d’hôpital dans laquelle des acteurs -le centre travaille avec 200 comédiens– jouent le rôle de patients pour entraîner les soignants à communiquer de mauvaises nouvelles aux malades ou à leurs proches. Le centre dispose aussi de simulateurs chirurgicaux, qui utilisent la réalité virtuelle pour s’immerger dans des opérations à haut risque.
Ici, surtout, l’erreur a toute sa place. « Nous proposons un apprentissage par essai-erreur, où se tromper permet de tirer les leçons pour progresser », souligne Amitai Ziv. C’est pourquoi chaque séance est filmée ou observée par des formateurs à travers des miroirs sans tain. Et à l’issue de cet entraînement de pointe, qui s’étend sur plusieurs jours, la personne formée reçoit un débriefing exhaustif et constructif.
La tech, le pari d’Israël face à la pénurie de médecins
En Israël comme ailleurs en Europe, l’âge moyen des médecins augmente et le nombre de cabinets s’érode. Les infirmières et autres soignants manquent aussi à l’appel. Alors qu’en France, le gouvernement prévoit, dans le cadre du budget 2023 de la sécurité sociale, une quatrième année d’internat de formation pour les étudiants en médecine dans les déserts médicaux, le gouvernement israélien capitalise sur son statut de « start-up nation ». “Face à ces défis, la technologie représente un espoir pour l’avenir du système de santé », assure Asher Shalmon, directeur des relations internationales du ministère de la Santé, rencontré en marge de la réunion de l’OMS Europe qui s’est tenue à Tel Aviv du 12 au 14 septembre. « Il faut se tourner vers les innovations les plus efficaces et celles qui répondent à des besoins cruciaux, comme la santé mentale ou les maladies chroniques.” Equipements médicaux digitaux, télémédecine, intelligence artificielle, l’écosystème israélien des start-up de santé est très dynamique aujourd’hui, avec pas moins de 1.700 entreprises qui travaillent à transformer le système de soins.
Par Isabelle de Foucaud