« Fleurs de soleil », un tout premier seul en scène pour Thierry Lhermitte

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Dans son premier seul en scène, l’acteur populaire porte un texte dur et profond : « Fleurs de soleil », du rescapé de la Shoah Simon Wiesenthal, qui pose la question du pardon. Il sera vendredi à Antibes, avant Contes, Marseille et Monaco.

Eté 1942. Quelque part dans une chambre, un SS à l’agonie confesse ses crimes à un juif. Il lui demande son pardon avant de mourir. Le juif, c’est Simon Wiesenthal, et son pardon, il ne l’accordera pas. Rescapé de la Shoah, il consacrera sa vie à la recherche des criminels nazis. Mais cette question, « ai-je eu raison ou tort? » de ne pas pardonner à ce soldat, va virer à l’obsession.

En 1969, il publie The Sunflower, le récit de cette rencontre, sa réflexion, et les lettres de personnalités à qui il a ensuite demandé: « Qu’auriez-vous fait à ma place? », plus nombreuses au fil des rééditions. D’Albert Speer, ministre de l’Armement du Reich, à Simone Veil, elle-même déportée, en passant par des religieux, philosophes, écrivains.

Un texte dur, profond, qui a fait le tour du monde. Et dont Thierry Lhermitte et le metteur en scène Steve Suissa ont fait une pièce, Fleurs de soleil. Un premier seul en scène pour le comédien. Un changement de registre pour le pilier de la comédie populaire. Débutée en 2020, la pièce part en tournée. Elle ouvrira la saison du théâtre Anthéa à Antibes, ce vendredi, avant de revenir à Contes, Marseille et Monaco.

Avant la pièce, il y a ce livre. Comment l’avez-vous découvert?

Par hasard. Une suggestion de ma liseuse Kindle… J’ai été attiré par le titre et le nom Wiesenthal, que je connaissais. Je l’ai ensuite fait lire à des amis, dont Jean-Marc Dumontet, le producteur, mais sans idée en tête. Juste pour partager ce texte incroyable, bouleversant. C’est lui qui a eu l’idée, avec Steve Suissa, d’en faire un spectacle.

Qu’est-ce qui vous a bouleversé?

Le problème du pardon. Qui n’est pas près de s’arrêter. Un sujet très profond. Parce que dans un premier temps on se dit « Moi je suis comme ça, je pardonne, je ne pardonne pas… » Et puis quand on lit ça, quand on écoute les lettres qui sont mentionnées dans le spectacle, on réalise. Qui pardonne? à quoi? Est-ce que ça fait du bien au pardonné ou au pardonnant? Y a-t-il des choses impardonnables? C’est passionnant.

Passionnant parce que s’invitent d’autres notions: justice, vengeance… Qui structurent nos sociétés?

Exactement. Le contexte de ce livre, c’est la Shoah, mais le problème est universel.

Et intemporel. Entre la première de la pièce et sa reprise, la guerre a éclaté en Ukraine et certains passages semblent s’en faire l’écho…

Oui, ça se passe sur les mêmes territoires, les mêmes villes. Dans le spectacle, on parle de Lwów et Lemberg, c’est la même chose que Lviv, où beaucoup d’Ukrainiens sont allés se réfugier…

Vous avez d’abord hésité à faire cette pièce. Pourquoi?

Je n’avais jamais pensé que je jouerais un jour tout seul. C’est surtout pour ça. Et puis, à force de travailler dessus, de voir à quel point ça me passionnait, j’ai été ravi de la faire.

C’est un seul en scène mais c’est un va-et-vient entre le texte et les lettres adressées à l’auteur…

Oui, les lettres sont en vidéo et elles éclairent vraiment. J’avais fait d’abord une lecture avec juste le texte et, finalement, personne n’imaginait la profondeur du sujet. On restait sur cette idée que le pardon se fait en fonction du tempérament, des sentiments. Quand on a mis les lettres, là, ça fait se poser des questions. Parce qu’à chaque fois on se dit: « Ah oui, il a raison celui-là, et le suivant aussi, et puis la suivante »

Votre préférée, c’est celle de l’écrivain roumain Petru Dumitriu. Qu’a-t-elle de spécial?

Oui, on termine par celle-là, qui reflète notre point de vue. Elle dit que « l’homme est une question de persévérance ». Que « la civilisation est toujours à recommencer, un travail continuel sur soi-même et les autres, dans la direction indiquée par l’expérience et par l’espoir ».

Vous êtes l’un de nos plus célèbres acteurs de comédie, mettre votre popularité au service d’un texte pareil, ce n’est même plus du théâtre, c’est une mission d’éducation?

Oui, et c’est presque ça qui m’a enlevé le trac, me dire que je faisais une mission de réflexion. Sur un sujet qui me préoccupe et que je suis heureux de partager avec les gens. Du coup, c’est vrai, je suis sorti un peu du truc de performance, qui aurait pu m’angoisser. Je témoigne de l’intérêt que j’ai pour cette problématique et j’essaie de le faire partager.

Source varmatin