l y a 77 ans, Haïm Herzog libérait le camp de Bergen-Belsen sous l’uniforme britannique. Quarante-deux ans après, il y revenait comme président d’Israël. Mardi, son fils Isaac, qui occupe la même fonction, s’y est rendu à son tour.
Cette visite du camp de concentration par l’actuel président de l’Etat hébreu s’inscrit dans la continuité de la réconciliation avec l’Allemagne entamée après-guerre entre les deux pays. Aux côtés de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, le chef d’Etat israélien a évoqué les premiers pas de son père, qui était alors officier, au milieu des charniers de la Shoah. « Debout sur une caisse en bois, il a crié en yiddish devant des centaines de squelettes : Juifs ! Il y a encore des Juifs vivants ! Il y a encore des Juifs dans le monde ! ».
A l’époque, en 1945, le camp du nord de l’Allemagne était couvert de baraquements que l’armée britannique s’était empressée de brûler pour, selon elle, stopper les épidémies. Restent désormais d’immenses fosses communes recouvertes d’herbes et sur lesquelles ont été déposés des petits cailloux, hommages traditionnel des juifs à leurs morts.
A côté d’une pierre apportée de Jérusalem par son père en 1987 lors de sa visite – à l’époque, la première d’un président israélien en Allemagne -, Isaac Herzog a exhorté Israël et l’Allemagne à combattre sans compromission toute forme d’antisémitisme et de racisme. « C’est notre devoir au nom du passé », a-t-il lancé.
Frank-Walter Steinmeier a de son côté reconnu que « cela avait duré longtemps pour que les Allemands comprennent qu’ils avaient été eux-mêmes libérés » à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Rendant hommage au « courage » de Haïm Herzog, Steinmeier a appelé ses concitoyens à « ne jamais oublier la Shoah ».
« Il ne doit pas y avoir de place pour l’antisémitisme dans notre pays », a-t-il martelé devant un monument commémoratif au nom du peuple juif et non loin d’une pierre tombale rendant hommage à Anne Frank, décédée dans ce camp et devenue ensuite mondialement célèbre pour son journal écrit dans un grenier d’Amsterdam où sa famille se cachait des nazis.
Dernier survivant
Le recueillement au camp de Bergen-Belsen était la dernière étape de la visite de trois jours du président israélien en Allemagne, dont le point d’orgue furent les commémorations de la sanglante prise d’otages par un commando palestinien lors des Jeux olympiques de Munich en 1972, au cours de laquelle onze athlètes israéliens furent tués.
Initialement construit au printemps 1943 pour servir de camp de détention pour plusieurs milliers « d’otages » juifs détenteurs de passeports étrangers que le Troisième Reich envisageait d’utiliser comme « monnaie d’échange » contre des prisonniers de guerre allemands, le camp de Bergen-Belsen devint rapidement un camp de concentration « ordinaire ».
A partir de janvier 1945, il a accueilli de nombreux détenus transférés d’autres camps trop proches du front russe, comme Auschwitz. La plupart des prisonniers sont morts de faim et d’épidémie à partir de février-mars. Après la libération du camp le 15 avril par les troupes britanniques, 13.000 détenus sont encore décédés.
Dans cette lande désormais parsemée de pins, de chênes et de bouleaux, la cérémonie s’est déroulée en présence de cinq survivants, un Suédois, deux Israéliens, un Américain et un Allemand, Albrecht Weinberg. Ce dernier, âgé de 97 ans, avait vingt ans au moment de la libération de Bergen-Belsen, où il avait été déporté après deux ans à Auschwitz.
« Je suis l’un des derniers survivants. Tant que je peux, je continue de témoigner de ce qui s’est passé », a-t-il expliqué à l’AFP, dans son fauteuil roulant. Après avoir vécu 60 ans aux Etats-Unis, il est retourné dans sa ville natale, Leer (nord-ouest), qui l’a incité à revenir et a donné son nom à un lycée. Il s’y rend régulièrement pour raconter son histoire aux élèves allemands « qui ne comprennent pas comment une telle chose a pu se produire ».