Un rapport de la Défenseure des droits, que nous dévoilons, pointe l’insuffisance de l’accompagnement des élèves porteurs de handicap à l’école – plus de 400 000 aujourd’hui. Manque de moyens, d’agents dédiés, de formation : les problèmes sont nombreux.
« En ce matin de rentrée scolaire, mon fils ne s’est pas levé avec son frère et sa sœur pour prendre le petit-déjeuner ! Non, lui n’a pas école, car il n’a pas d’AESH (Accompagnant d’enfant en situation de handicap) ! » Voici l’une des nombreuses saisines reçues par la Défenseure des droits en 2021. Elle émane de la maman désespérée d’un petit garçon handicapé : faute d’accompagnement, il a été privé d’école une bonne partie de l’année, alors même qu’il s’agit d’un droit pour tous.
Dans un rapport qui doit être publié ce lundi, que Claire Hédon nous dévoile en exclusivité, l’institution chargée de lutter contre les discriminations en France révèle qu’en 2021, 20 % des recours concernaient des difficultés d’accès à l’éducation d’enfants handicapés, soit quasiment 700 dossiers. « Ce chiffre est en hausse », appuie la Défenseure des droits.
Au cœur du problème : le manque d’agents pour les accompagner. Quand le handicap d’un enfant est reconnu par les autorités, celles-ci notifient son besoin d’accompagnement par une AESH ou une AVS (Auxiliaire de vie scolaire)… sauf que trop souvent, faute de personnel, le besoin n’est pas comblé. Résultat : « Les familles préfèrent ne pas scolariser l’enfant, ou alors celui-ci est très mal pris en charge », résume Claire Hédon. Voire, parfois, l’enfant est refusé à l’école, note encore le rapport.
Des agents dédiés mal formés et mal payés
L’UNAPEI, principale association du secteur, a publié un communiqué la semaine dernière s’alarmant du fait que des « milliers d’enfants atteints d’un handicap ne seront scolarisés que quelques heures, voire pas du tout à cette rentrée ». Selon l’étude qu’ils ont menée pour la première fois (sur un échantillon de 7 949 enfants), 18 % n’ont aucune heure de scolarisation par semaine, 33 % moins de six heures, 22 % entre 6 et 12 heures, et seulement 27 % ont au moins 12 heures hebdomadaires.
Par ailleurs, selon le rapport de la Défenseuse, ces agents dédiés sont mal formés, mal payés – ils touchent moins de 900 euros nets par mois, et surtout, disposent de contrats qui ne dépassent pas les 24 heures par semaine. Pas de quoi rendre possible une « continuité » dans l’accompagnement des élèves, poursuit la Défenseure des droits, qui évoque des saisines de familles dont les enfants sont en réalité scolarisés… 5 heures par semaine. « De l’attractivité du métier d’AESH et d’AVS dépend la bonne prise en charge des enfants », confirme Claire Hédon, qui ajoute que « les situations bien gérées ont un impact positif sur les élèves non porteurs de handicap ».
« Ce n’est pas à l’élève de s’adapter à l’école, mais le contraire ! »
La question concerne aussi les enseignants, trop seuls dans la gestion de ces situations. Exemple cité dans le rapport : celui d’une enseignante qui, non formée à ce sujet, s’est aperçue en cours d’année que l’un de ses élèves ne comprenait aucune de ses consignes, lesquelles « auraient dû être reformulées par un AESH (…) ».
Certes, « les choses ont un peu évolué », reconnaît celle qui apparaît en 11e position de l’ordre protocolaire en France. Par exemple, entre la rentrée 2017 et la rentrée 2021, 19 % d’élèves porteurs de handicap ont été scolarisés, avec, en parallèle, une hausse de 35 % du nombre d’AESH (125 000 en 2021). Ils seront, selon le gouvernement, plus de 430 000 accueillis à cette rentrée, contre 410 000 l’an dernier, un chiffre « qui a triplé en moins de 15 ans ». Autre signal positif, la volonté annoncée par Emmanuel Macron au printemps dernier de fournir aux AESH des contrats de 35 heures, avec le salaire en conséquence. « Indispensable », juge Claire Hédon. Reste à savoir quand cette mesure sera mise en œuvre.
« Ces avancées, ce n’est pas rien, il faut le souligner… mais c’est largement insuffisant, l’école inclusive ne fonctionne pas comme elle le devrait », renchérit-elle. Ainsi, à l’issue de ce document, dix préconisations en forme de signal d’alarme sont faites à l’adresse des ministres concernés – Éducation nationale, Solidarités… – et des autorités éducatives. Parmi elles : « Mieux former » agents et enseignants, « créer un outil statistique » pour mesurer le phénomène et ainsi débloquer des moyens en conséquence, ou encore, que « l’accompagnement de l’enfant soit défini en fonction de ses besoins et non pas des moyens disponibles », égrène Claire Hédon, qui martèle que « ce n’est pas à l’élève de s’adapter à l’école, mais le contraire ! »
Par Thomas Poupeau