Alors que les Israéliens retournent aux urnes le 1er novembre, le problème de la cherté de la vie surgit dans le débat public, où l’on vote traditionnellement en fonction des préoccupations sécuritaires.
10 h 30 tapantes dans le quartier usé de Neve Sha’anan, au sud de Tel-Aviv. Les portes de la soupe populaire Lasova (« rassasié » en hébreu) s’ouvrent sur des effluves de poivrons farcis. En cuisine, on s’active à la préparation de 450 repas. À table, beaucoup de personnes seules, au chômage, à la retraite, à la rue, qui ne parviennent plus à joindre les deux bouts. « Les invisibles d’Israël » , commente Ravit Reichman, la gérante de ce « Resto du cœur » israélien, qui a observé une nette augmentation des bénéficiaires depuis le début de l’année.
Un Israélien sur quatre sous le seuil de pauvreté
En 2021, 27,6 % de la population israélienne vivait sous le seuil de pauvreté (avec 3 700 shekels par mois, près de 940 €), selon le rapport annuel publié par l’association Latet. La classe moyenne subit de plein fouet l’augmentation du coût de la vie à la suite du Covid-19 et de la guerre en Ukraine.
Le taux d’inflation des douze derniers mois est monté à 5,2 %, le plus élevé depuis quatorze ans, selon les données publiées le 15 août par le Bureau central des statistiques. Combinée à une hausse des taux d’intérêt, l’augmentation des prix à la consommation, en juillet la plus forte depuis 2009, accentue un coût de la vie parmi les plus élevés du monde. Israël se classe ainsi au second rang au sein de l’OCDE, derrière la Suisse.
« De la place pour parler des problèmes économiques »
Alors que le pays retourne aux urnes le 1er novembre, pour la cinquième fois en quatre ans, le sujet monte à l’orée de la campagne des législatives : 44 % des Israéliens interrogés fin juillet par l’Institut israélien de la démocratie (IDI) estiment que le programme économique des candidats et l’augmentation du coût de la vie influenceront leur vote. Une première. « Il y a de la place pour parler des problèmes économiques parce que la situation sécuritaire est relativement sous contrôle », estime Tamar Hermann, professeure à l’IDI, en soulignant que les priorités des électeurs sont volatiles.
Fin observateur de l’opinion publique, Benyamin Netanyahou, le chef de l’opposition candidat aux législatives, n’a pas hésité à troquer sa casquette de champion de la sécurité pour celle de monsieur économie. Dans une vidéo publiée le 4 août, il assure que, s’il est élu, il réduira les tarifs de l’électricité, du gaz et de l’eau, et gèlera le taux des taxes municipales. « Ce sont des promesses populistes, pour rassurer les électeurs. En douze ans de règne, Benyamin Netanyahou n’en a quasiment tenu aucune pour régler le problème qui n’a fait qu’empirer », juge l’économiste Jacques Bendelac.
À deux mois et demi du scrutin, la course entre le bloc Netanyahou et celui du « tout sauf Bibi (surnom de Netanyahou, NDLR) », dirigé par l’actuel premier ministre Yaïr Lapid, apparaît très serrée. « Si une minorité d’électeurs était influencée par les questions économiques, elle pourrait décider de l’issue de l’élection », avance l’éditorialiste économique David Rosenberg.
Clémence Levant