En plein milieu de journée, rue des Rosiers à Paris, le restaurant de Jo Goldenberg est la cible d’un attentat antisémite. On compte 6 morts et 22 blessés. Retour sur les premières images d’un attentat qui secoua l’opinion publique.
Le 9 août 1982, rue des Rosiers à Paris, le restaurant de Jo Goldenberg est la cible d’un attentat antisémite. Il est 13h15 lorsque deux commandos de trois à cinq hommes arrivent rue des rosiers, une rue très animée de Paris. Les premiers hommes jettent une grenade en direction du restaurant alors que le second groupe pénètre dans l’établissement et ouvre le feu avec des pistolets-mitrailleurs. Dans leur fuite les terroristes continuent à tirer blessant des passants. Un attentat qui allait faire 6 morts et 22 blessés.
L’archive en tête d’article est le flash spécial qui interrompit les programmes juste après les faits. En plateau Christian-Marie Monnot informe les spectateurs qu’un attentat vient d’être commis dans le restaurant d’un quartier très populaire du 4e arrondissement. Les images qui suivent sont très fortes. Elles ont été tournées quelques instants après l’explosion, à 14h30. Sur le trottoir les gens pleurent, d’autres sont figées sous le choc. Il n’y a pas de commentaire, juste les images. Les forces de police tentent de faire respecter l’ordre tandis que les pompiers et le Samu évacuent en civière les premières victimes.
Un témoin raconte qu’il a vu « 4-5 personnes tirer à la mitraillette sur les gens ». Un serveur qui travaillait au fond de la salle, visiblement encore très choqué, raconte avoir entendu la déflagration d’ « une grenade puis des coups de feu… une mitraillette ». Dans la rue, un autre témoin décrit l’un des tireurs comme « un homme en costume gris avec un mitraillette sous sa veste » tirant sur tout le monde.
Le président hué
La France est sous le choc. François Mitterrand interrompt ses vacances pour se rendre sur place. Dans la soirée, avant d’assister à un office organisé dans la synagogue de la rue Pavée, il se rend sur les lieux de l’attentat. Le 20 heures d’Antenne 2, diffuse des images en direct de la rue où le président de la République vient d’arriver. On entend clairement la clameur de la foule venue huer le président dans une manifestation spontanée, aux cris de « Mitterrand complice » ou « journalistes assassins ». Claude Sérillon, qui commente les images, décrit une ambiance très tendue et « agressive à l’égard de la presse » et des policiers, très nombreux sur l’image, l’un d’eux ayant été blessé.
Le présentateur rappelle ensuite que cet attentat antisémite fait suite à celui de la rue Copernic survenu 22 mois plus tôt. Il lance un résumé réalisé avec les images des reporters envoyés sur place. Plusieurs témoins, parfois blessés, racontent ce qu’ils ont vu. De retour en plateau, Claude Sérillon annonce qu’en fin d’après-midi Action Directe a revendiqué l’attentat. Revendication démentie peu après. A l’aide d’un plan qu’il commente en plateau, illustré de nouveaux témoignages, le présentateur reconstitue minute par minute la chronologie des faits.
Une enquête interminable
Le restaurant, lieu emblématique de la vie communautaire juive parisienne, devient également un symbole du terrorisme antisémite international. L’enquête qui suivit ne permit pas de trouver les coupables. Dans un premier temps, le Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d’Abou Nidal, un groupe palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), est soupçonné. L’enquête allait encore piétiner de nombreuses années. En 2015, des mandats d’arrêt internationaux allaient enfin être délivrés contre 4 hommes vivant en Cisjordanie, en Jordanie et en Norvège. La justice refusant d’extrader ceux qui vivaient en Jordanie.
40 ans plus tard un seul suspect est entre les mains de la justice française, un Palestinien naturalisé Norvégien de 63 ans. Walid Abdulrahman Abou Zayed, dit Abou Zayed. Il est soupçonné d’avoir été l’un des tireurs. La Norvège l’a extradé le 4 décembre 2020. Il a été mis en examen pour assassinats et tentatives d’assassinats et placé en détention provisoire.
Hommage national
40 ans, jour pour jour, après l’attaque terroriste survenue dans la rue des Rosiers à Paris, un premier hommage national a été rendu aux victimes ce mardi. Présent, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a apporté son soutien, au nom de la France, aux victimes.
« Nos pensées vous accompagnent, a-t-il déclaré. 40 années se sont écoulées. C’est long et pourtant, je mesure à quel point ce déchaînement de haine et de violence rend la mesure du temps relative. C’était il y a 40 ans, mais c’était hier. Aujourd’hui, je veux le dire à nouveau, avec une grande solennité: la France se tient à vos côtés, comme elle se tient toujours aux côtés des innocentes victimes de ceux qui veulent saper les valeurs fondamentales de notre nation. »
« Les terroristes n’ont pas frappé au hasard »
Pour Éric Dupond-Moretti, cet assaut ne laisse aucune place au doute. « Il faut le rappeler inlassablement, les terroristes n’ont pas frappé au hasard, indique-t-il. L’attentat qui a été perpétré ici, le 9 août 1982, est un attentat antisémite. »
« Lorsque la communauté juive est prise pour cible, c’est la République française tout entière qui est touchée », insiste le ministre de la Justice. « A chaque assaut contre des innocents, c’est la France, son histoire et son universalisme qui sont irrémédiablement atteints ». Il poursuit, en insistant sur le fait que « la France doit répondre par le droit à ces attaques qu’elles aient eu lieu, il y a 40 ans ou qu’elles aient lieu malheureusement encore aujourd’hui ».
Le devoir de mémoire est important pour la communauté juive, mais aussi pour « notre histoire », selon le ministre de la Justice.
« Cette histoire pour vous, si intime, si brûlante, si douloureuse, c’est aussi notre histoire, ajoute-t-il. Soyez-en assurés, nous en portons la mémoire ensemble et si un membre du gouvernement est présent à cette commémoration, si nous sommes ici rassemblés, c’est pour que jamais cette mémoire ne s’éteigne. »
« Une instruction est en cours »
Tant d’années après les faits, aucun procès n’a encore eu lieu et aucun n’est prévu dans les mois à venir, malgré des demandes de plus en plus pressantes. « Je sais aussi qu’à ce jour, la soif de justice qu’éprouvent les victimes et leurs proches n’a pas été étanchée, poursuit Éric Dupond-Moretti. Une instruction est en cours et vous comprendrez bien qu’il ne revient pas au ministre de la Justice de la commenter, mais je sais que notre justice, en lien avec nos diplomates, est extrêmement mobilisée pour que toute la lumière soit faite sur ce lâche attentat. »
Quatre personnes sont aujourd’hui connues et soupçonnées d’être derrière l’attentat de la rue des Rosiers. Parmi ces derniers, une seule est en détention provisoire en France et mise en examen pour assassinat et tentative d’assassinat, après avoir été extradée de Norvège en 2020. Cette personne clame toujours son innocence. Quatre décennies plus tard, le ministre de la Justice dresse « un triste constat ». L’antisémitisme, qu’il qualifie de « bête immonde », n’est pas mort.
« Elle rampe plus ou moins masquée, dans l’obscurantisme de certains esprits, dans notre vie quotidienne, dans la rue, sur des affiches, au café du commerce et même dans certains propos politiques, explique-t-il. Qui aurait pu croire qu’aujourd’hui, certains parleraient de race juive? »