« Homeland », le thriller à succès avec Claire Danes, est en fait l’adaptation américaine d’une série israélienne au budget bien plus restreint : « Hatufim ». Rencontre avec son auteur, Gideon Raff.
Un américain prisonnier de Al-Qaida libéré par l’armée en Irak, et une espionne bipolaire de la CIA qui se demande si le prisonnier n’a pas été « retourné ». C’est le pitch initial de Homeland, série punchy et géopolitique qui a marqué les esprits avant Le Bureau des légendes.
Mais en fait Homeland est inspiré d’une série israélienne.« Je vivais à Los Angeles à l’époque, se souvient son auteur Gideon Raff, et je venais visiter Israël, mon pays, tous les deux ans. Et quand vous faites ça, vous sentez que cet endroit qui est censé être comme chez vous est soudainement un peu différent. Et c’est un sentiment horrible. Puis je me suis dit : Et si vous ne pouvez pas rentrer chez vous et que vous le voulez vraiment ? Et j’ai commencé à étudier le sujet des prisonniers de guerre. »
« À mon grand étonnement, j’ai découvert qu’il y avait tout un monde de drames dont nous ne nous occupons pas en Israël. Nous nous battons pour le retour de nos soldats. Mais une fois qu’ils sont rentrés, on ne veut plus entendre parler d’eux. On a besoin d’une fin heureuse. Et la vérité, c’est que ce n’est pas une fin heureuse. Et je voulais commencer la série le jour où la plupart des gens pensaient que la série se terminait, c’est-à-dire le retour des soldats prisonniers, et voir ce qui se passe. »
Cela donnera Hatufim, (Enlevés). Deux saisons disponibles sur Prime Video, qui suivent trois soldats israéliens capturés au Liban, libérés 17 ans plus tard, et qui doivent apprendre à se réintégrer. La série montre surtout les traumatismes subis par ces prisonniers revenus. « Ces gens qui reviennent de la guerre, qui reviennent de captivité, font face à un post-traumatisme, explique Gideon Raff. Et je pense que pour comprendre le post-traumatisme, il faut aussi ressentir un peu le traumatisme. »
Cette série Hatufilm n’est pas violente, mais elle ne lésine pas sur les supplices subis en captivité. Un choix de Gideon Raff :
« Vous savez, une des choses qui m’a le plus choqué chez les prisonniers de guerre, quand j’ai commencé à faire des recherches et à rencontrer d’anciens prisonniers de guerre, c’est que les jeux psychologiques qu’on leur faisait subir étaient plus nocifs que les jeux physiques. L’un d’entre eux, qui a passé cinq ans en captivité à Abu Jabril, au Liban, et dont personne ne savait qu’il était vivant pendant les quatre premières années, m’a dit que lorsqu’il avait été jeté dans ce trou, il ne savait jamais quand les portes allaient se rouvrir.
Il ne savait pas quand, et s’il allait pouvoir manger à nouveau. Il ne savait pas si sa famille savait qu’il était en vie. Il ne savait pas qui avait gagné la guerre. Il ne savait rien du tout. Alors quand la porte s’est finalement ouverte et qu’ils l’ont sorti, même s’il savait qu’il allait être torturé, il m’a dit qu’il n’avait ressenti que de la joie, parce qu’il n’était plus seul ».
Un an plus tard, Hollywood s’empare de la série et la transforme en Homeland.