« Les Justes portent un message universel : celui de la reconnaissance de l’autre, de la valeur de toute altérité. En notre temps fait d’individualisme, de tensions, de renouveau de la haine et de l’antisémitisme, les Justes rappellent la puissance d’une vertu fondamentale : la solidarité. » Par Jean-Dominique Durand, Président de l’Amitié Judéo chrétienne de France.
Dans l’été 1942, la chasse aux juifs a été ouverte dans toute la France, en zone occupée, comme dans la zone dite libre placée sous l’autorité de Vichy. La persécution contre les juifs prit un caractère massif. Il ne s’agissait plus de mesures individuelles, de tracasseries administratives, de mesures discriminatoires, d’exclusions comme le prévoyaient les statuts des Juifs de 1940 et 1941. Des rafles avaient eu lieu dès 1941 dans le Nord, et dans le Sud, on avait enfermé des juifs étrangers dans des camps. En 1942, on passa à la persécution de masse, avec les grandes rafles. Les 16 et 17 juillet, une rafle systématique fut organisée à Paris et dans les environs : 13 152 personnes, de tous âges et de toutes conditions, du nouveau-né au grand vieillard, furent arrêtées par la police française pour la seule raison qu’ils étaient juifs. Ils furent entassés dans des conditions atroces au Vélodrome d’Hiver, le célèbre Vel d’Hiv, avant d’être déportés à Auschwitz. Comme à Paris, et dans tous les camps en France, des policiers français agissaient. C’est dire l’immense responsabilité du régime installé à Vichy et de son chef, le maréchal Pétain.
Le 16 juillet 1995, Jacques Chirac, reconnaissait que la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français
, et ajoutait-il, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable
. Il rappela aussi que la rafle fut le point de départ d’un vaste mouvement de résistance de nombreuses familles françaises, des Justes qui sauvèrent de nombreux juifs
.
Les Justes constituent un monde très divers ; il est composé d’hommes et de femmes aux origines géographiques, sociales, idéologiques, religieuses différentes. Leurs motivations étaient très diverses. Pour certains, il s’agissait simplement de tendre la main spontanément à des réprouvés, d’autres agissaient au nom de leur sentiment patriotique, d’autres encore se voulaient en accord avec leur foi religieuse ou leur conviction politique.
Simone Veil, alors présidente d’honneur de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, a salué les Justes au Panthéon le 18 janvier 2007 : Face au nazisme qui a cherché à rayer le peuple juif de l’histoire des hommes et à effacer toute trace des crimes perpétrés, face à ceux qui, aujourd’hui encore, nient les faits, la France s’honore, aujourd’hui, de graver de manière indélébile dans la pierre de son histoire nationale, cette page de lumière dans la nuit de la Shoah
.
Par simple humanité
Les Justes étaient des personnes modestes, qui ne se sont guère considérées comme des héros, mais plutôt comme des personnes normales qui ont accompli un geste qui, pour elles, était normal. Elles ont simplement considéré le persécuté comme une personne, comme un frère, comme une sœur. Certaines ont accompli leur geste comme un acte conscient de résistance, beaucoup l’ont accompli par simple humanité. C’est la solidarité des petits gestes, selon l’historien Jacques Semelin, par exemple ouvrir sa porte ou dire non, refuser d’obéir.
Les Justes sont des héros silencieux, qui ont agi souvent seuls, mais aussi très souvent en réseaux, proches parfois des réseaux de Résistance, ou d’une manière isolée. Nous savons que les Justes reconnus officiellement ne représentent qu’une petite partie des sauveteurs, parce que beaucoup ont choisi la discrétion. On a pu parler de la mémoire discrète des Justes
. Serge Klarsfeld l’a bien montré, si 76 000 juifs de France ont été déportés, les trois-quarts de la communauté juive résidant en France a été préservée, malgré la présence d’un gouvernement collaborationniste. Face au mal et à l’abjection qui ont semblé un moment submerger notre pays, l’honneur a été sauvé par les Justes.
Les Justes portent un message universel : celui de la reconnaissance de l’autre, de la valeur de toute altérité. En notre temps fait d’individualisme, de tensions, d’antagonismes en tous genres, de renouveau de la haine et de l’antisémitisme, les Justes rappellent la puissance d’une vertu fondamentale pour faire tenir la société debout et la rendre humaine : la solidarité.
Jean-Dominique Durand