Grâce au combat et à l’obstination d’Ida Rozenberg-Apeloig, réfugiée juive à Châteaumeillant pendant la Seconde Guerre mondiale, aujourd’hui âgée de 84 ans, la cité castelmeillantaise intègre le réseau des Villes et villages des Justes de France. La cérémonie officielle s’est tenue, ce vendredi matin, sur la place de la Mairie.
Son obstination aura fini par payer. Depuis des années, Ida Rozenberg-Apeloig, réfugiée juive à Châteaumeillant pendant la Seconde Guerre mondiale, se bat pour que Châteaumeillant devienne membre du réseau des Villes et villages des Justes de France.
« C’est ma mission de vie », confie cette Parisienne de naissance qui, pour rien au monde, n’aurait manquerait la cérémonie de vendredi matin, place de la Mairie, qui a officialisé l’intégration de la cité castelmeillantaise au réseau des Villes et villages des Justes de France, distinction accordée par le Comité français pour Yad Vashem.
« Le réseau des Villes et villages des Justes de France a pour ambition de réunir les communes ayant nommé un lieu porteur de mémoire pour perpétuer le souvenir et les valeurs portées par les Justes parmi les nations, ces femmes et ces hommes qui, au péril de leur vie, ont, au cours de la Seconde Guerre mondiale, sauvé des juifs en s’opposant aux persécutions antisémites nazies et à l’État français de Vichy », détaille l’association présidée par Pierre-François Veil, fils de Simone Veil.
Une quarantaine de familles réfugiées
D’après les estimations d’Ida Rozenberg-Apeloig, près de 150 personnes de confession juive, « soit environ une quarantaine de familles », ont, comme elles et son entourage, trouvé refuge à Châteaumeillant à cette époque. Née en juillet 1937, Ida Rozenberg-Apeloig, elle, est arrivée, « début 1940 », à Châteaumeillant, en provenance de Paris, avec sa mère et son frère, Benjamin. « Mon père est démobilisé, à la suite de l’Armistice de juin, et nous rejoint dans cette ville du Cher où nous sommes restés près de cinq ans et où mon petit frère, Jean, a vu le jour en 1942 », se souvient-elle.
« Après la disparition de la zone libre, et l’arrivée des troupes allemandes, la famille, par prudence, se disperse et mes parents me placent chez un couple sans enfant, poursuit-elle. Ces gens m’expliquent, à moi petite fille de 5 ans, que si je rencontre ma mère ou mon père dans la rue, je ne dois pas leur parler ni aller vers eux. Nous réussissons à échapper aux arrestations et, bien sûr, à la déportation et, en 1945, nous sommes remontés sur Paris. »
« Toute ma vie, je serai reconnaissante à Châteaumeillant, dit-elle, soixante-dix-sept ans plus tard. Avec ce titre, je veux l’honorer et dire “merci” à ses habitants qui, malgré les risques encourus, ont recueilli, caché et sauvé la très grande majorité des juifs, hommes, femmes et enfants, qui étaient venus se réfugier dans la commune. »
Une plaque dévoilée
D’où son combat, acharné, pour permettre à Châteaumeillant d’obtenir sa place parmi les Villes et villages des Justes de France. Combat marqué par une première tentative infructueuse, il y a quelques années. Malgré cet échec, Ida Rozenberg-Apeloig n’a jamais perdu de vue son objectif de toujours. Une détermination sans faille aujourd’hui récompensée.
Pour bénéficier de cette distinction, « et même si madame Rozenberg-Apeloig a initié le mouvement », précise le maire, Frédéric Durant, la municipalité n’est pas restée inactive. « On a dû adhérer au Comité français pour Yad Vashem en motivant les raisons de notre demande de reconnaissance », explique l’élu. « On est dans un souci de devoir de mémoire pour ne pas oublier le passé alors que la Seconde Guerre mondiale s’éloigne et que les témoins sont de moins en moins nombreux », justifie-t-il.
Une cérémonie émouvante
L’émotion était palpable, ce vendredi, aux alentours de 11 heures, au moment où la plaque commémorative a été dévoilée, sur le mur extérieur du musée des Vieux Métiers. Juste à côté de celle qu’avait apposée, « à titre personnel », Ida Rozenberg-Apeloig, déjà pour remercier Châteaumeillant, en 2004.
La cérémonie s’est tenue sous les yeux, aussi, d’anciens réfugiés juifs, enfants à l’époque, à l’image des frères Maurice et Jean Kemlharen, et de leur sœur Liliane, qui a vu le jour, en juin 1943, à Châteaumeillant, commune depuis laquelle l’un de leurs oncles a été déporté : «Pour nous, cette cérémonie, ça remue nos tripes. C’est très émouvant et c’est une belle reconnaissance pour les habitants de la ville.»
Sous les yeux, aussi, d’actuels habitants de Châteaumeillant déjà présents quatre-vingts-ans plus tôt. Parmi lesquels, Michel Cluzel, aujourd’hui âgé de 88 ans, qui est allé à l’école «avec une dizaine» d’enfants réfugiés fuyant la région parisienne. «Ils sont rapidement devenus des copains, a-t-il confié, lui aussi ému aux larmes. Avec cette cérémonie, c’est toute ma jeunesse qui resurgit. Sans Ida, rien de tout cela n’aurait été possible.»
Pas plus que sans la volonté de l‘équipe municipale élue en 2020. «Si madame Rozenberg-Apeloig a initié le mouvement, on a dû adhérer au Comité français pour Yad Vashem en motivant les raisons de notre demande de reconnaissance», expliquait le maire avant la journée mémorielle de ce vendredi 24uin 2022 qui fera date dans l’histoire de Châteaumeillant.
Guillaume Blanc