Le comité de citoyens dénonce l’existence à Lannion d’une rue André-Bellesort, auteur antisémite notoire, et demande que la plaque soit déposée.
« En déambulant dans Lannion, je suis tombé sur cette plaque. Mon sang n’a fait qu’un tour. » La plaque de rue qui a mis en émoi Daniel Kay porte le nom d’André Bellesort. Professeur de lettres modernes au lycée Le-Dantec et poète, Daniel Kay a immédiatement situé cet auteur et sa sombre réputation.
Au-dessus de l’ancien collège
Bien rares sont ceux qui peuvent se targuer de connaître cet écrivain né en 1886, mort en 1942 et tombé dans l’oubli. « Qui se souvient encore de l’antisémitisme d’André Bellessort ? », admet le « comité citoyen.nes et républicain.es » qui s’est constitué pour réclamer que la rue soit débaptisée.
Il est vrai aussi que l’artère en question ne figure pas parmi les plus fréquentées de la ville. Elle serpente autour de la rue Kervenno, au-dessus de l’ancien collège Le-Goffic. Ce qui accroît d’ailleurs l’indignation du comité : « Elle donne sur le futur éco-quartier et va devenir très passante ».
Qui est donc ce personnage ? Né à Laval, André Bellessort a été élève au collège dit « universitaire » de Lannion entre 1872 à 1881, où son père était principal. Ce lien lannionnais explique pourquoi il figure depuis plusieurs décennies sur les plans de la ville.
À l’Académie française
Embrassant la carrière de professeur, il enseigne le français et le latin dans plusieurs lycées de France. Ce voyageur, journaliste pour Le Temps ou La Revue des deux mondes, critique littéraire, poète, devient académicien en 1935. Et même secrétaire perpétuel de l’institution en 1940.
« En 1939-1940, il est invité à l’École française de Rome afin de tenter un rapprochement avec le régime fasciste de Mussolini, relève le comité. C’est dire s’il avait une notoriété. »
Critique littéraire à « Je suis partout »
De 1932 à sa mort, André Bellessort participe régulièrement à Je suis partout, journal tristement célèbre pour son antisémitisme et son soutien à l’Occupant nazi pendant la Seconde Guerre mondiale.
Alors que quelques auteurs quittent l’hebdomadaire à cause de son orientation fasciste, « André Bellessort, y poursuit, en alternance avec Georges Blond, sa chronique littéraire jusqu’à sa mort en janvier 1942 », écrit la sociologue Gisèle Sapiro dans son article « La collaboration littéraire ».
Dans l’édition du 24 janvier 1941, le journal lui rend hommage : « Au moment de mettre sous presse, nous apprenons avec tristesse la mort de notre bon maître André Bellessort […] Je Suis Partout perd avec lui un de ses collaborateurs de la première heure et un de ses amis les plus chers ».
Un éloge signé « R.B. », certainement Robert Brasillach, autre zélé collaborationniste, ancien élève de Bellessort.
« On ne peut pas tolérer ça ! »
Le dossier est donc accablant. « Nous ne sommes pas dans une démarche belliqueuse, ni woke. Nous pensons qu’il vaut mieux expliquer que déboulonner des statues. Mais cet homme n’a rien pour lui, on ne peut pas tolérer ça ! »
Les fondateurs du comité – Daniel Kay, Pierre Le Goas, Christian Le Goff et Pierre-Yves Le Jeune – interpellent la municipalité, à qui appartient la possibilité de débaptiser une rue : « Peut-on ignorer plus longtemps cette réalité alors que s’élèvera bientôt au bout de cette rue, un éco-quartier dont les habitants, les enfants passeront chaque jour sous la plaque de cet antisémite ? »
Une proposition
Ils proposent de déposer cette plaque et de la dédier à Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, « républicain, fervent humaniste assassiné le 16 octobre 2020 à Éragny. La municipalité de Lannion doit montrer l’exemple ».