À l’occasion de la commémoration des 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv, le Mémorial de la Shoah présente dès le 1er juillet 2022 les dessins de presse jamais exposés de Cabu, réalisés pour le journal Le Nouveau Candide en 1967. Le talent du dessinateur permet de se replonger dans l’un des événements les plus sombres de l’histoire de France.
Au printemps 1967, le journal Le Nouveau Candide publie les bonnes feuilles de La Grande Rafle du Vel d’Hiv 16 juillet 1942 de Claude Lévy et Paul Tillard (Robert Laffont). Pour illustrer cette série en cinq épisodes, la rédaction fait appel à un jeune dessinateur de 29 ans, Jean Cabut, dit Cabu.
L’ouvrage de Lévy et Tillard retrace, à travers documents et témoignages, le déroulement de la rafle et l’enfermement au Vélodrome d’Hiver de plus de 8000 des quelque 13.000 victimes des arrestations. Pointant le rôle de la police française et du gouvernement de Vichy dans la déportation des Juifs par les nazis, le livre provoque un choc dans l’opinion.
C’est aussi un choc pour Cabu, qui découvre cette tragédie trop vite oubliée et met le meilleur de son talent à traduire en dessins les scènes décrites.
À l’occasion des 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv, Véronique Cabut, son épouse, et le Mémorial de la Shoah proposent de redécouvrir ces dessins jamais exposés depuis leur parution. Cette exposition est aussi un hommage à un dessinateur génial et populaire qui fut l’une des douze victimes de l’attentat djihadiste du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo.
Il s’agit de la première exposition monographique d’un dessinateur de presse présentée au Mémorial.
« Ces seize dessins inédits de Cabu datant de 1967 et illustrant la rafle du Vélodrome d’Hiver de 1942 sont là pour l’Histoire. Il faut qu’ils soient vus par le plus grand nombre, pour que les gens comprennent ce qu’a été la rafle du Vel d’Hiv dont nous ne possédons qu’une seule photographie aujourd’hui. La grande force du trait de Cabu c’est de réussir, en un coup d’œil, à transmettre l’horreur de cette tragédie », expliquent Laurent Joly, directeur de recherches au CNRS et commissaire scientifique de l’exposition, et Véronique Cabut.
La rafle dite du Vel d’Hiv est la plus importante opération menée contre les Juifs en Europe de l’Ouest pendant la Seconde Guerre mondiale, avec 12.884 hommes, femmes et enfants arrêtés en moins de deux jours en vue d’être exterminés à Auschwitz. Elle est le résultat d’un accord criminel entre les autorités allemandes et le gouvernement de Vichy, qui a accepté de mettre la police française au service de la politique nazie. Plus de 110.000 Juifs, français et étrangers, vivent alors à Paris et en banlieue.
Après définition des catégories et tri des « fichiers juifs » de recensement, 27.400 fiches d’arrestation sont établies par la Préfecture de police de Paris. Elles concernent des Juives et Juifs apatrides (ex-Polonais, Russes, etc.) de plus de 16 ans, auxquels il faut ajouter 10.000 enfants de moins de 16 ans, la plupart de nationalité française. Environ 4500 policiers sont mobilisés afin d’arrêter et de surveiller les victimes.
Au terme des opérations, 8833 « adultes » et 4051 enfants ont été arrêtés. C’est un paradoxe : la « rafle monstre », comme on l’appelle, est un semi-échec pour la police. Les « adultes » sans enfants sont directement conduits au camp de Drancy, tandis que les familles sont parquées au Vélodrome d’Hiver à Paris. Presque tous (12.400) seront déportés, les enfants séparés de leurs parents dans des conditions abominables. Il n’y aura qu’une centaine de survivants en 1945.
Photographie : L’Autobus, Cabu, 1967. 28 x 45,5 cm. Publié dans le n° 313 du Nouveau Candide. © V. Cabut.