Née dans une famille chrétienne en France, Eliora Peretz s’est convertie au judaïsme pour s’imposer comme l’une des rares femmes rabbins orthodoxes en Israël. Seul hic, et non le moindre, elle ne peut officier à la tête d’une synagogue, un poste réservé aux hommes dans ce courant du judaïsme.
Dans le monde juif orthodoxe, les femmes ont rarement accès aux textes religieux et sont en général absentes des lieux d’études talmudiques, contrairement au judaïsme libéral, où des femmes peuvent devenir rabbins, à l’instar de la Française Delphine Horvilleur.
Ancienne journaliste et mère de deux enfants, Eliora Peretz, 40 ans, est l’une des rares femmes en Israël à avoir obtenu, il y a quelques mois, un diplôme de rabbin, décerné par le rabbin Daniel Sperber, d’un courant de l’orthodoxie plus ouvert que les autres.
Mais son diplôme, décerné après trois ans d’études intensives, n’est pas reconnu par le rabbinat israélien et elle ne pourra donc pas officier dans une synagogue. « Je ne vais pas évoluer dans une société qui va me dire +madame, bienvenue+ », déplore Eliora Peretz, qui espère s’imposer comme une « pionnière », en ouvrant la voie à une génération qui « bénéficiera du travail que nous faisons ».
Elle a pourtant étudié exactement selon le même cursus que les rabbins « reconnus » et connaît donc tout des lois alimentaires, de celles sur le repos hebdomadaire du shabbat, la vie en couple, le mariage ou la période de deuil. « Rien n’interdit qu’une femme puisse marier un couple dans nos textes mais pourtant, c’est interdit en Israël », s’insurge Eliora Peretz, dans un entretien à l’AFP réalisé dans une synagogue de Jérusalem.
Plusieurs femmes orthodoxes dans le même cas qu’elle s’étaient tournées vers la Cour suprême israélienne en 2019 pour forcer le rabbinat à permettre à des femmes de passer les examens en vue d’obtenir le diplôme, réservé à la gente masculine.
Mais il n’y a eu guère d’avancées, puisqu’une seule Israélienne, Shira Mirvis, exerce depuis un an à la tête d’une communauté orthodoxe, à Efrat, colonie de Cisjordanie occupée, regrette Eliora Peretz, dont les cheveux blonds sont en partie recouverts d’un foulard comme le portent les juives orthodoxes mariées.
« A défaut d’être rabbin d’une communauté, elle pourrait être un guide spirituel et donner des cours, répondre à des questions de fidèles sur les sujets qu’elle maitrise « autant qu’un rabbin » masculin, dit-elle. « Pour moi, le rôle du rabbin est d’aider à donner du sens dans la pratique du judaïsme au quotidien », explique-t-elle, affirmant vouloir aider les « gens qui se posent des questions ».
« Dieu est ma lumière »
Avant de devenir rabbin, Eliora Peretz, née Alexandra à Strasbourg, a eu une autre vie. Docteure en communication politique et journalisme, elle a choisi de s’investir dans les études religieuses.
Cette Franco-Suisse, qui a vécu en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, raconte avoir « ressenti depuis (sa) plus tendre enfance » un attrait pour le judaïsme. « Un parcours de rencontres » l’a ensuite poussée à se convertir, en choisissant le nom d’Eliora, qui signifie en hébreu « Dieu est ma lumière ».
« En étudiant, au fil des années, je me suis rendue compte que ce qui était offert aux femmes était limité dans la profondeur des sujets abordés, donc je n’ai pas eu le choix que de devenir rabbin pour étudier ce qui me fascinait », explique-t-elle. « Devenir rabbin est venu de ma passion pour les textes de la Torah et pour le peuple d’Israël », affirme-t-elle, alors qu’elle continue d’approfondir les textes, plusieurs fois par semaine, dans un centre d’études à Jérusalem.
« Madame le rabbin » ou « madame la rabbine »? Mme Peretz privilégie la deuxième option, mais estime ce débat de moindre importance. « Mon but principal est d’arriver à un échange, à des rencontres et je ne veux pas me bloquer pour un titre car sinon, je n’aurais rien fait », assure-t-elle.
Elle refuse d’être au centre de controverses, évite les débats sur le féminisme religieux et estime que « personne ne prend la place de l’autre, personne ne combat l’autre ». « On ajoute de la connaissance et c’est une bénédiction pour tous et toutes », ajoute la rabbine, sourire aux lèvres.