À 30 ans, Iris Ferreira est la cinquième rabbine en France, mais la première à avoir été ordonnée sur le territoire national. Issue du courant juif libéral, elle n’hésite pas à afficher son soutien à la cause homosexuelle.
Iris Ferreira est une exception. Cette jeune femme de 30 ans à l’allure fluette est la cinquième femme rabbin en exercice en France, mais la première ordonnée sur le territoire national. Issue du courant du judaïsme libéral, elle l’a été à Paris il y a près d’un an, en juillet 2021, avant d’être envoyée à Strasbourg où elle assure les offices depuis le mois de septembre.
Bien malgré elle, Iris Ferreira est devenue un symbole et un objet de curiosité. Ce début de notoriété, elle l’accueille avec une très grande sérénité et un sens aigu des responsabilités. Ma nomination permet de rappeler qu’il y a une variété de mouvements juifs. Il est important de promouvoir cette diversité pour que chacun puisse trouver sa synagogue.
La pandémie l’a empêchée de retourner en Angleterre
L’histoire d’Iris Ferreira rencontre celle du judaïsme libéral. Dans le courant libéral, on considère que nous sommes tous égaux. Nous avons tous les mêmes droits et devoirs par rapport à la religion. Qu’on soit un homme ou une femme, qu’on soit non binaire ou autre, ça n’a aucune incidence sur ce qu’on peut faire ou ne pas faire.
Les quatre premières rabbines du judaïsme libéral, dont la plus célèbre, Delphine Horvilleur, ont toutes été ordonnées à l’étranger. Iris Ferreira a elle-même été formée au Léo Baeck College de Londres. Et c’est aussi dans la capitale britannique qu’elle aurait dû recevoir son ordination au terme de ses cinq ans d’études.
Mais la pandémie de Covid l’a empêchée de retourner en Angleterre. C’est donc en France qu’elle a reçu la semikha. Un concours de circonstances qui est aussi l’amorce d’un tournant. Quand j’ai commencé mes études, il n’y avait pas d’école rabbinique pour le judaïsme libéral en France. C’est le cas maintenant depuis trois ans. Il y a plusieurs étudiantes en formation. Dans deux ans, elles auront terminé.
Elle a découvert le judaïsme aux Sables-d’Olonne
C’est aux Sables-d’Olonne, en Vendée, qu’Iris Ferreira a découvert le judaïsme. Elle avait alors 20 ans et se posait mille et une questions. Elle venait d’interrompre des études de médecine, à Toulouse. Sur le plan intellectuel, la manière d’apprendre ne me satisfaisait pas. Et le travail à l’hôpital était très éprouvant. Je ne me voyais pas du tout passer ma vie là-dedans.
En Vendée, où elle a déménagé avec sa mère, Iris cherche l’apaisement en se tournant vers la religion. Elle commence à fréquenter la synagogue située à dix minutes de chez elle. À l’époque, j’apprenais l’hébreu en autodidacte et je connaissais quelques éléments de la religion, mais je n’avais jamais assisté à un office.
Sa mère, « plutôt athée », ne s’étonne guère de cette reconversion, qui n’en est d’ailleurs pas vraiment une. La religion, c’était quelque chose de compliqué dans ma famille. Ma mère voulait que j’aille au catéchisme, mais à la maison le discours n’était pas le même. J’étais un peu perdue. J’ai appris par hasard que, du côté de mon père, il y avait eu des juifs qui s’étaient cachés et avaient dû adopter une autre religion.
Iris Ferreira dit avoir beaucoup appris auprès de la communauté juive des Sables. Mais elle n’a pas réussi à trouver sa place dans cette communauté liée au courant orthodoxe qui tient les femmes à distance. Il y avait une certaine rigidité qui ne me convenait pas, dit Iris qui aurait aimé prendre une part plus active aux offices.
« On me demande souvent comment il faut m’appeler »
Inscrite en licence d’hébreu et d’études juives à la Sorbonne, elle profite de ses séjours parisiens pour se rapprocher de la communauté libérale. C’est à cette période que j’ai pu faire mon retour de manière formelle au judaïsme, explique-t-elle. Une fois que j’ai eu ma licence, j’ai eu l’opportunité de partir à Londres pour suivre un cursus rabbinique.
À Strasbourg (Bas-Rhin), Iris reçoit les fidèles dans la synagogue du centre-ville, discret bâtiment dont rien n’indique de l’extérieur la vocation religieuse. Ici, personne ne s’étonne de voir cette femme érudite revêtir le talit (châle de prière) pour lire la Torah. Dans le mouvement libéral, c’est rentré dans les habitudes. Mais on me demande souvent comment il faut m’appeler. Personnellement, je préfère rabbine, tout simplement. Mais les gens peuvent m’appeler comme c’est le plus naturel pour eux.
De plain-pied dans la modernité
Majoritaire dans le monde anglo-saxon, le judaïsme libéral reste très minoritaire en France, où il a ses racines rue Copernic, à Paris, et à Strasbourg. Il traduit la volonté d’un grand nombre de Juifs d’entrer de plain-pied dans la modernité, d’en être des citoyens et des acteurs à part entière. Dans le judaïsme libéral, on tient compte des sources, mais aussi de la société dans laquelle on vit, résume la rabbine.
Lors de son ordination, Iris Ferreira a pris l’initiative d’afficher sur son compte Facebook le drapeau des fiertés LGBT, en soutien à la cause homosexuelle. Le courant libéral est plus ouvert sur ce point en permettant l’inclusion des personnes LGBT. C’est l’un des éléments qui font que j’ai choisi ce courant plutôt qu’un autre.
Autrice de romans fantsay
Iris Ferreira écrit des romans fantasy sous un nom de plume, Sara Pintado. En 2019, elle a publié Mojunsha, chez Noir d’Absinthe, premier tome d’une quadrilogie de fantasy exceptionnelle, dont l’univers s’inspire de l’Inde et de la Perse antique.
Elle a ensuite publié Sous les ailes du dieu corbeau en 2021, le premier tome d’une trilogie de fantasy pour jeunes adultes. Un troisième titre sortira dans le courant de l’année. « La fantasy permet de s’évader et d’être plus libre pour explorer certains éléments du monde réel », explique la jeune autrice.
Cinq rabbines
Le judaïsme libéral compte une douzaine de rabbins en exercice en France, dont cinq sont des femmes. Pauline Bebe, première Française rabbin, a été ordonnée en 1990 à Londres. Floriane Chinsky l’a été en 2004 à Jérusalem et Delphine Horvilleur en 2008 à New York.
Elles exercent toutes les trois dans des communautés parisiennes. Ordonnée en 2019, Daniela Touati a également été formée à Londres et exerce aujourd’hui à Lyon depuis 2020. Iris Ferreira est donc la cinquième rabbine exerçant en France et la première à avoir son ordination ici.
Bienvenue madame, puissiez vous ramener du monde dans nos synagogue, en province, elles se vident !