Centenaire en juillet, cette habitante de Saint-Julien-de-Jordanne a fait partie des sept Cantaliens qui ont aidé et caché le docteur Adram Kuczynski, arrivé à Mandailles le 15 juillet 1943. Tous ont reçu la plus haute distinction civile d’Israël. Les six autres à titre posthume.
Il y a des cérémonies beaucoup plus émouvantes que les autres. Comme celle qui s’est déroulée hier matin dans la halle de Mandailles-Saint-Julien. Entrecoupée de poèmes lus par des enfants de la vallée de la Jordanne, la chanson « Nuit et brouillard » de Jean Ferrat et « Le chant des partisans », elle a notamment rassemblé plusieurs familles. Les Rongier, Amalric et Bonal et les descendants du docteur Kuczynski, décédé en 1990.
Cet homme, Abram de son prénom, devenu médecin du maquis, a été caché lors de la Seconde Guerre mondiale par Louis Amalric (chef du comité local de la Libération) et son épouse Léontine d’août 1943 à mars 1944, puis par Jean, dit “Géraud” et Marie Rongier ainsi que leur fille Léontine et Marie Bonal et sa fille Éliane de mars 1944 à la fin de la guerre.
Tous ont été honorés (les six premiers à titre posthume) par la plus haute distinction civile de l’État d’Israël, la médaille de Juste parmi les nations. Ils rejoignent à ce titre les autres Justes du Cantal qui en compte désormais officiellement trente-cinq. En ouverture de la cérémonie, le maire de Mandailles-Saint-Julien, Philippe Fabre, a évoqué le « caractère symbolique très fort » d’honorer des Justes parmi les nations avant de s’exprimer au titre des habitants de sa commune : « Mme Bonal, nous sommes fiers de vous. »
En présence des enfants de la vallée
Vice-président du Comité français pour Yad Vashem (un mémorial israélien situé à Jérusalem, construit en mémoire des victimes juives de la Shoah et perpétrant la mémoire des Justes parmi les nations), François Guguenheim a expliqué que « la seule personnalité de cette cérémonie, c’est vous Madame Éliane Bonal qui avait sauvé la vie du Dr Kuczynski. » Il s’est réjoui de la présence des enfants de l’école de Lascelle et de leur enseignante.
« C’est la garantie de l’utilité de nos actions. Plus de 27.900 Justes ont été recensés dans le monde dont 4.150 en France. On souhaiterait, monsieur le maire, la création d’un lieu de mémoire en l’honneur des sept Justes de Mandailles. »
Le préfet Serge Castel a fustigé « la folie nazie » et estimé qu’il était « fondamental de rappeler à la jeunesse ce qui a été vécu et ce qu’il ne faut pas reproduire ».
Delphine Gamburg, ministre-conseiller et directrice de la communication à l’ambassade d’Israël en France, a cité le Talmud : « Qui sauve une âme sauve l’humanité toute entière » et a fait part de son « très grand honneur de remettre la médaille des Justes parmi les nations à vous, Mme Bonal, et à titre posthume à Louis et Léontine Amalric, Jean et Marie Rongier, leur fille Léontine et Marie Bonal. » Elle a aussi appelé à « rester vigilant » face à l’antisémitisme.
Chevalier de la Légion d’honneur et citoyenne d’honneur de Mandailles-Saint-Julien
Ces médailles à titre posthume et les diplômes attestant de leur statut de Juste ont été remis aux descendants : Luc Berry et Pierre Amalric, petit-fils des instituteurs Louis et Léontine Amalric et Anne-Marie Rongier, petite-fille de Jean et Marie Rongier.
Pudique et émue, Éliane Bonal n’a pas pris la parole. C’est sa fille Huguette Mager qui a parlé à sa place. Fille d’Adran Kuczynski, Sylvie Kuczynski-Lévy a exprimé « une infinie reconnaissance à Mme Bonal et aux descendants des Justes ». Elle a retracé avec sa sœur Lisiane le parcours de son père et remercié d’autres habitants de Mandailles-Saint-Julien, parmi lesquels des agriculteurs, qui l’ont caché dans une grange lors d’une rafle.
Éliane Bonal s’est vue remettre la Légion d’honneur par Michelle Lablanquie, ancienne adjointe au maire d’Aurillac et présidente du comité départemental de la Ligue contre le cancer. Elle a été faite citoyenne d’honneur de sa commune. De justes récompenses pour son courage et ses valeurs.
Clément Bessoudoux