La mort par balle d’une journaliste palestinienne et les incidents lors de ses funérailles ont fragilisé un peu plus la coalition du Premier ministre Naftali Bennett. Par Danièle Kriegel.
Le gouvernement de Naftali Bennett contrôle-t-il sa police ? De nombreux téléspectateurs en Europe, aux États-Unis et aussi en Israël se sont posé la question en voyant les images de policiers israéliens attaquant à coups de matraque les porteurs du cercueil de Shireen Abu Aqleh, journaliste palestino-américaine de la chaîne arabe Al-Jazira, tuée 48 heures auparavant par balle près de Jénine, alors qu’elle couvrait une opération de l’armée israélienne.
La scène s’est déroulée dans l’enceinte de l’hôpital Saint-Joseph, une institution chrétienne de Jérusalem-Est. Les vidéos filmées sous divers angles et en gros plan montrent une violence incompréhensible de la part des policiers, en uniforme noir, portant casque et gilet pare-balles. Face à l’immense émotion suscitée par ces images, certains chefs de la police ont d’abord expliqué qu’ils avaient été attaqués, à coups de pierre et de bouteille, par des participants aux funérailles. Une affirmation qu’ils ont tenté de confirmer à l’aide de quelques images floues. Ces explications n’ayant pas convaincu, le ministre de la Sécurité intérieure, le travailliste Omer Bar-Lev, a été contraint d’annoncer la mise sur pied d’une enquête interne.
Condamnations internationales
Il faut dire que le comportement de ces policiers a suscité un tsunami de condamnations comme Israël en a rarement connu ; du président américain Joe Biden à l’Union européenne, sans parler des réactions indignées dans le monde arabe.
Lundi, les responsables de l’hôpital Saint-Joseph ont présenté à leur tour leur point de vue, vidéos des caméras de surveillance à l’appui. On y voit des dizaines de policiers faisant irruption à l’intérieur de l’hôpital, allant jusqu’à bousculer un homme se déplaçant à l’aide de béquilles. Au cours de la conférence de presse, le patriarche latin de Jérusalem, Mgr. Pierbattista Pizzaballa, a condamné la violence de la police israélienne : « Des raisons de sécurité ne peuvent justifier ce qui s’est passé. Nous prions pour la liberté de religion, notamment la célébration de funérailles. C’est le dernier moment important de la vie d’une personne. Nous envisageons de lancer une procédure légale contre la police. »
Ce n’est pas le seul avis de tempête pour la communication israélienne qui, visiblement, a du mal à ne pas bafouiller. Déjà, peu de temps après l’annonce de la mort de la journaliste Shireen Abu Aqleh, les responsables militaires et civils israéliens ainsi que le Premier ministre Naftali Bennett en personne avaient d’abord laissé entendre que les Palestiniens étaient très probablement les responsables du tir mortel. Au fil des jours, ils ont dû rétropédaler pour finir par admettre que « oui, peut-être, un des militaires sur le terrain aurait pu, par erreur, tirer en direction de la journaliste ».Pour les Palestiniens, cela ne fait pas de doute : Israël est coupable. Les Israéliens ont proposé de participer à une enquête conjointe, voire de réaliser l’examen balistique de la balle extraite du corps de la journaliste. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a refusé, tout en suggérant une enquête indépendante internationale, sans la participation d’Israël. Mais les événements qui se sont déroulés dans l’enceinte de l’hôpital Saint-Joseph ont relégué au second plan la question de « qui est responsable » de la mort de Shireen Abu Aqleh.
Extension des colonies
Tout cela alors que la situation sécuritaire se détériore de semaine en semaine. Selon un dernier bilan publié en début de semaine, en deux mois et demi, 19 Israéliens et 33 Palestiniens ont trouvé la mort. Et le gouvernement de Naftali Bennett a de plus en plus de mal à maintenir le statu quo sur le front israélo-palestinien. Si tous les membres de son gouvernement sont d’accord pour ne pas relancer les négociations avec l’Autorité autonome de Mahmoud Abbas, la droite sioniste religieuse va plus loin et rue dans les brancards.
De notre correspondante à Jérusalem, Danièle Kriegel