La télé rend fou et Thierry Ardisson en est un bon exemple. Après des années d’émissions racoleuses et d’Ardiviews, Thierry Ardisson est tombé dans l’oubli. Or, dans le monde de la télé, l’oubli c’est la mort. Ce constat poussé au bout de la logique donne la nouvelle émission de l’homme en noir : « L’hôtel du temps » où Thierry Ardisson en démiurge de la fin des temps redonne la parole aux morts célèbres. Première invitée : la décédée Dalida de retour ce soir parmi les vivants pour parler entre autres de… son suicide. Soirée Xanax garantie.
Elle voulait « mourrrrrir sur scène », elle va revivre à la télé. En différé bien sûr, depuis les salons du palace parisien Le Meurice. Ce lundi 2 mai, Dalida s’invite en première partie de soirée sur France 3, grâce au croque-mort de la télé, Thierry Ardisson. Sa nouvelle émission s’appelle L’hôtel des temps. Son concept ? Des stars défuntes (après Dalida, Coluche et Jean Gabin sont déjà en boîte, et Marlene Dietrich est au programme) reviennent nous hanter à la télé et causer dans le poste, le temps d’une interview avec un Ardisson, le sourcil plus noir que jamais, lui aussi rajeuni de 20 ans. « Pourquoi ne pas en profiter aussi pour ma pomme ? », a dû se dire l’ex-animateur vedette, concepteur, réalisateur et producteur de tant de soirées télévisuelles putassières.
Avouons-le tout de go, c’est en toute malhonnêteté intellectuelle que l’on dénigre ainsi la nouvelle émission de l’homme en noir puisque l’on n’en a pas encore vu une microseconde. Ce que l’on sait déjà en revanche, c’est que le concept fait la part belle à la technologie. Et pas n’importe laquelle : celle qui chante cocorico.
Pour réaliser L’hôtel du temps, Thierry Ardisson a fait appel au studio français Mac Guff. Ce géant de l’animation 3D et des effets spéciaux a développé pour l’occasion « un outil unique » en très haute résolution, « à des coûts compatibles » avec le budget de l’émission. Sinon, c’est la même prouesse technologie – le deepfake – qui est utilisée par Ardisson pour faire parler les morts que celle qu’emploie depuis un petit moment déjà l’imitateur Canteloup. Il est vrai que ces imitations étaient tellement piteuses qu’on avait souvent du mal à savoir si Canteloup imitait Ségolène Royal ou Angela Merkel. Grâce au deepfake qui permet la superposition de centaines d’images du visage de Nicolas Canteloup et celles de personnalités imitées, on arrive enfin à « voir » que Canteloup imite Nicolas Sarkozy, Nikos Aliagas ou François Hollande.
Pour faire parler ses morts, Ardisson utilise également la même technologie qui bricole des images basées sur l’intelligence artificielle. « C’est un vrai documentaire raconté à la première personne avec un intervieweur qui fait accoucher le personnage », expliquait Nicolas Daniel, directeur des magazines de France Télévisions, lors d’une conférence de presse pour présenter le concept de la nouvelle émission. Pour ce faire, Ardisson explique avoir passé des heures à éplucher des archives et réaliser un gros travail de collecte documentaire. Il garantit que tous les propos tenus par les personnalités « ont été réellement prononcés ou écrits ». Pas de « questions infernales » ou liées à l’actualité. Le spectateur se saura donc jamais si pour Dalida « sucer c’est tromper », ni si l’ancienne groupie de François Mitterrand est favorable à l’union de la gauche derrière Jean-Luc Mélenchon. Mais une chose est sûre, pour Thierry Ardisson, éjecté de C8 avec l’arrêt brutal de Salut les terriens en 2019, L’hôtel du temps est une renaissance.
L’auteure de ces lignes se souvient avoir croisé un soir au théâtre, Thierry Ardisson. Il était seul, personne pour lui réclamer un selfie ou un autographe, personne même pour esquisser un petit signe de tête en guise de reconnaissance de plus de 30 ans de télé. Ce soir-là l’animateur semblait avoir pris 20 ans dans les dents. Pire, sans la reconnaissance du public, il était déjà mort. La télé, ce poison.
Natacha Devanda