Quand une histoire personnelle et familiale fait écho à l’histoire de la communauté juive d’Alsace : c’est le récit d’Ondine Debré, petite-fille de l’ancien Premier ministre Michel Debré, issue d’une famille de juifs réfugiés à Westhoffen.
C’est l’histoire d’une famille dont les origines ont presque été cachées. Celle de la famille Debré qui a donné plusieurs hommes illustres à la nation française. Et notamment Michel Debré, ancien Premier ministre sous Charles de Gaulle. Cette histoire est aussi celle d’une communauté de juifs réfugiés en Alsace au fil des siècles. Voici trois bonnes raisons de le regarder en replay le documentaire d’Ondine Debré Retour à Westhoffen.
Parce que tout le monde cherche ses racines
Ondine Debré perd son père, le journaliste et écrivain François Debré, le 14 septembre 2020. Le deuil est propice au plongeon dans les archives familiales, photos, livres et documents à l’appui. Et ce que racontent ces archives à Ondine est si différent de ce qu’elle a vécu dans son univers quotidien, qu’elle se met en quête de retrouver les traces de son identité familiale.
Pourquoi un si grand écart entre ses origines juives, alsaciennes, pauvres et sa réalité catholique, parisienne et bourgeoise ? Pourquoi sa famille a tu son ascendance juive ?
La réalisatrice nous fait partager cette quête, commencée auparavant par son père. Dans une archive sonore, François Debré répond à cette question : « On ne vous l’a pas caché ? » « Si, on en n’a jamais parlé. Ma surprise n’a pas été de découvrir ça, mais de constater que ça n’avait jamais été abordé. »
Comment un simple non-dit devient une sorte de secret.
Parce qu’il reste des traces
Ondine Debré se rend donc en Alsace, dans le Bas-Rhin, sur les traces de son passé. Avec l’aide d’historiens et de spécialistes de la communauté juive, elle reconstitue, pas à pas, l’histoire de sa famille et plus largement celle des juifs d’Alsace.
Delphine Horvilleur, écrivaine et rabbine fait partie des guides dans cette quête existentielle. « Je crois qu’on est tous amenés à s’interroger sur nos racines. La particularité de Westhoffen, de l’Alsace et de tous ces petits villages où il y a eu une présence juive, c’est qu’il y a eu une vie juive extrêmement riche et aujourd’hui il n’en reste que des traces, des fantômes. Pour moi, le judaïsme d’Alsace est un des fantômes de mon existence. Je sais que je viens d’un monde qui a été et qui n’existe plus. »
Ces traces, laissées ici ou là dans les villages alsaciens, c’est avec l’historien Jean-Pierre Lambert qu’Ondine les découvre. D’abord à Westhoffen où s’étaient installés son aïeul Moïse et sa famille aux alentours de 1780; puis à Traenheim, village voisin dans lequel s’était implantée une synagogue clandestine vers 1723.
Ensemble, ils recherchent les traces laissées par les mezouzote (pluriel de mezouzah) sur les frontons des portes des maisons, de fours traditionnels pour la Pâque juive et dans le cimetière juif. Là, elle retrouve une trace palpable de quelques ancêtres.
Mais c’est aux archives du Bas-Rhin que son émotion est à son comble. Ondine y retrouve le registre sur lequel son aïeul Anchel Moïse Dabach a laissé sa signature sur un acte, qui, selon le décret napoléonien de 1808 l’oblige à prendre un nom de famille français. Il choisit de s’appeler désormais Anselme Deprès, qui se transformera bientôt en Debré, plus proche de la sonorité de son nom originel.
Pour rendre visible l’invisible
Malgré une histoire lourde de discriminations, de massacres, dont celui de 1343 à Strasbourg, les juifs choisissent de rester en Alsace car la vie y est relativement moins dure qu’ailleurs. Ils s’installent dans les villages, où leur petit nombre les rend moins visibles dont moins visés.
Après avoir obtenu la citoyenneté française en 1791 par l’Assemblée constituante, les juifs de France, comme Anselme, ont francisé leurs noms, sans toutefois renoncer à leurs traditions religieuses ni à leurs coutumes.
La Révolution française donc, puis le premier Empire et enfin la République apportent un vent de liberté et d’égalité pour la communauté juive d’Alsace et plus largement de France. À la devise des frontons républicains pourrait se substituer cet autre triptyque émigration, intégration et assimilation pour les juifs de France.
Cependant, la France n’est pas à l’abri des contradictions. Et si elle se dit terre d’asile, elle alterne, dans son histoire, les périodes d’accueil et les vagues d’antisémitisme. L’affaire Dreyfus reste un exemple marquant de ce que la nation donne d’une main peut reprend de l’autre.
La Seconde Guerre mondiale, enfin donne un coup d’arrêt à l’assimilation et l’ascension sociale de la communauté juive. Cette ultime atteinte décide Robert Debré, puis Michel à « effacer » leurs origines juives.
La profanation du cimetière juif de Westhoffen, le 3 décembre 2019, où reposent les ancêtres juifs d’Ondine Debré puis le décès de son père François marquent le début de la quête vers une histoire effacée.