62 adultes et enfants originaires de Saint-Malo sont morts en déportation durant la Seconde Guerre mondiale. Parmi les victimes, Daniel Albohair, gazé à Auschwitz. Il avait 3 ans.
Son nom a rejoint l’an passé la liste des victimes, nées ou ayant vécu à Saint-Malo, Saint-Servan et Paramé, mortes dans l’enfer des camps de concentration et d’extermination nazis, durant la Seconde Guerre mondiale.
C’est Marc Jean, le président du Souvenir Français à Saint-Malo, qui a retrouvé sa petite bouille d’ange sur des sites mémoriels (1). Le nom du petit Daniel Albohair, dont la cité corsaire n’avait pas gardé trace de l’existence, a enfin pu être gravé dans la pierre malouine. Pour toujours.
Toute une famille tuée le même jour
Daniel a rejoint Marie-Julienne, Norbert, Georges, André et les autres. 62 hommes, femmes et enfants arrachés à la vie par la barbarie nazie. La plus jeune, Simone Roth, a été assassinée à Auschwitz le 30 septembre 1942. Elle avait 8 mois. La plus âgée, Marie Berenger est morte à Ravensbrück. Elle était âgée de 80 ans.
Les Weill, eux, ont donné cinq des leurs le même jour, ce funeste 30 mars 1943. Tous tués à Sobibor. Les parents Henri et Hortense, et leurs trois enfants Jacques 20 ans, Claude 18 ans et leur petite sœur Nicole 16 ans.
Au « vert » à Saint-Malo
Du petit Daniel Albohair, on sait que sa maman Rajla était d’origine polonaise et son papa Samuel, un commerçant natif de Barcelone. Ils se sont mariés en 1935 à Paris. Et face à l’arrivée de l’envahisseur germanique, la petite famille a fui la capitale « pour se mettre au vert à Saint-Malo », pense Marc Jean.
Avaient-ils des proches, des amis ici ? On ne sait pas non plus combien de temps le couple s’est installé sur la côte d’Émeraude. Seule certitude : c’est à Paramé, le 2 juin 1941, que le petit Daniel Albohair voit le jour. Deux photos de sa courte vie, préservées par le Mémorial de la Shoah, nous montrent l’image d’un petit garçon souriant, aux jolies boucles d’or.
La date de leur départ de Saint-Malo n’est pas connue non plus. Sans doute vers 1942 quand la répression envers les Juifs s’intensifie sur la zone côtière. La famille doit encore migrer. Elle rejoint l’Isère, où elle est finalement arrêtée le 25 mai 1944.
Gazés à leur arrivée
Les Albohair sont internés au camp de Drancy le 3 juin 1944 avec 27 Juifs arrêtés dans la région de Grenoble. Ils y resteront tout le mois de juin avant d’être conduits à Bobigny et entassés avec un millier d’autres prisonniers dans des wagons, à destination du « centre de mise à mort » d’Auschwitz-Birkenau.
« Le voyage qui dura quatre jours dut être particulièrement insupportable pour cet enfant de 3 ans, dans les conditions que l’on connaît », relate le Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah. Le 4 juillet, le convoi entre à l’intérieur du camp de Birkenau sur la « rampe d’Auschwitz » où a lieu la sélection.
D’après les travaux de Serge Klarsfeld, 272 femmes sont gazées à leur arrivée. « C’était le plus souvent des femmes et leurs enfants en bas âge. Ainsi, Rajla et Daniel âgé de 3 ans ont inévitablement été gazés à l’arrivée au camp. »
Samuel, le papa, a survécu
Samuel, le papa, survivra à Auschwitz. Il survivra aussi à la Marche de la Mort en janvier 1945. Il survivra encore à six jours de transport dans ce qu’on appelait les « wagons découverts », car sans toits et donc ouverts en plein hiver au vent, à la neige et au froid. Et sans recevoir de nourriture. Il survivra ensuite aux camps de Buchenwald et Dachau. « Une infime minorité de déportés a survécu à tous ces transferts ». Samuel Albohair en fait partie. Rapatrié le 22 mai 1945, il s’est éteint à Paris le 22 juillet 1997, à 81 ans.
(1) Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah, Mémoire des Hommes et mémorial de la Shoah.