Selon Daoud Tatou, qui a inspiré le personnage interprété par Reda Kateb au cinéma, et les associations venant en aide aux personnes souffrant de troubles autistiques, ces disparitions se multiplient depuis le déconfinement.
Les années passent et le film, hélas, n’a pas pris une ride. Quatre ans après la sortie de « Hors normes », d’Éric Toledano et Olivier Nakache, les bénévoles des associations qui viennent en aide aux autistes continuent, à chaque disparition, d’arpenter les rues une photo à la main, de poster des messages sur les réseaux sociaux ou de multiplier les coups de fil.
Jeudi dernier, Daoud Tatou, qui a inspiré le personnage interprété par Reda Kateb, a retrouvé par hasard un jeune homme dont les proches étaient sans nouvelles depuis cinq jours. Les policiers avaient pris en charge dans une rue d’Orly (Val-de-Marne) cet autiste prostré et à moitié nu. Impossible de déterminer son identité. Le jeune homme, présentant des troubles sévères, n’était pas en mesure de communiquer. En désespoir de cause, il avait été hospitalisé au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).
« Il a enfourché sa moto et s’est rendu sur place »
Il a fallu la visite impromptue du héros de « Hors normes » pour qu’on fasse le lien avec un signalement effectué au commissariat de Drancy (Seine-Saint-Denis) cinq jours plus tôt. « Je n’étais pas venu pour lui, confie Daoud Tatou. Nous recherchions Mohamed, un autiste de 15 ans vivant à Montreuil (Seine-Saint-Denis). L’adolescent, qui s’était déjà perdu, avait disparu alors qu’il se promenait à vélo. »
« Comme toujours, nous nous étions réparti les rôles entre bénévoles, précise Lynda Fekiri, présidente de l’association All Inclusive. On a passé des coups de fil aux hôpitaux et c’est à Bicêtre qu’on nous a dit qu’un jeune correspondait au profil que nous décrivions. Daoud était le plus près, alors il a enfourché sa moto et s’est rendu sur place. »
Six disparitions environ chaque mois, selon Daoud Tatou
Quant à Mohamed, il a finalement été retrouvé, lui aussi, sain et sauf. Grâce aux réseaux sociaux, des jeunes l’ont repéré vers République, à Paris, et ont pu alerter à temps ses proches. Un dénouement heureux mais le sentiment, pour certains bénévoles, que l’histoire se répète.
« Jusqu’à présent, on a de la chance mais ce n’est pas normal que la coordination ne soit pas meilleure entre les différents services de l’État, dénonce Élise Collot, présidente de l’association Entrez dans ma bulle. Mohamed est resté cinq jours, sédaté, à l’hôpital alors qu’un signalement avait été fait au commissariat dès le début ».
« Quand nous appelons l’AP-HP pour leur demander s’ils ont hospitalisé un adolescent que nous recherchons, ils nous disent qu’ils ne peuvent répondre qu’à la police », met également à l’index Lynda Fekiri.
La colère monte d’autant plus que les disparitions d’autistes se multiplient depuis quelques mois, en particulier en Île-de-France. « Douze depuis novembre dernier », estime Lynda Fekiri. « Il y a en a eu beaucoup plus que cela, rectifie Daoud Tatou. Chaque mois, nous avons environ six cas. Il y a en majorité les jeunes qui sont partis de leur domicile. Ceux-là ne sont pas suivis dans des structures, faute de place. Et puis il y a ceux qui ont échappé à la vigilance des institutions. » Comment expliquer cette « grosse augmentation » ? « Sans doute un effet déconfinement », avancent les différents bénévoles.
La puce GPS toujours à l’étude
Nous avons, en vain, sollicité le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées pour évoquer la coordination entre les différents services de l’État. De son côté, Daoud Tatou préfère « voir le verre à moitié plein ». « L’État fait beaucoup de choses. Il y a maintenant des commissariats, comme celui du XIXe, avec lesquels nous travaillons bien. Mais il est évident qu’on manque de moyens. »
Après le meurtre de Kelyan, un adolescent autiste du XIXe en juillet dernier à Paris, plusieurs mesures réclamées par les associations depuis des années ont été prises. « Il ne faut plus attendre 72 heures avant que la disparition d’un autiste ne soit jugée inquiétante, se réjouit Daoud Tatou. Il y a six mois environ, l’uniformisation de la fiche signalétique de disparition a également été adoptée. »
Reste le projet de la puce GPS, qui serait fixée aux sous-vêtements de l’enfant autiste. « Pour les familles qui le veulent », insiste le responsable associatif. Un financement est toujours à l’étude.