Abraham a été choisi pour engendrer le peuple juif. Il était, pour le dire en termes modernes, un émigrant. Avec le temps, la famille qu’il avait créée a été contrainte par la famine de se réfugier dans l’Égypte voisine.
Une histoire familière. A travers les âges elle s’applique aujourd’hui à de nombreuses personnes ; pour être plus précis : 26,6 millions de réfugiés internationaux dans le monde (en plus des 48,0 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays et des 4,4 millions de demandeurs d’asile).
Peu de gens sont aussi enclins que les Juifs à reconnaître que leur peuple est la création d’émigrants et de réfugiés plutôt que des natifs du pays.
Les cultures se développent parce que les personnes apprennent des expériences qu’elles accumulent et transmettent de génération en génération. Dans le même ordre d’idées, l’identité juive n’est pas le résultat d’une substance étrange transmise par le sang ni de l’idolâtrie de la terre. Le judaïsme est le résultat des expériences et des connaissances accumulées par le peuple juif.
Ces expériences et les compréhensions qui en découlent sont déposées dans une littérature fondatrice prolifique. Les Juifs qui ignorent les Écritures hébraïques (la Torah), le Talmud, la Halakha, et même la littérature juive contemporaine, le font au risque de diluer, voire d’effacer, l’héritage de leur peuple pour les générations futures.
Le judaïsme, bien sûr, ne s’adresse pas seulement aux lecteurs et aux intellectuels. Les enseignements du judaïsme sont, ainsi, également transmis par l’institution d’un cycle annuel de fêtes qui font revivre l’histoire, les leçons apprises et les valeurs qui rendent le peuple d’Israël « juif. »
Prenons un exemple : le message de Pessah. L’encouragement de Moïse aux Hébreux à quitter l’Égypte et à accueillir une multitude d’autres personnes en leur sein a déclenché une réaction sévère des Égyptiens, comme on pouvait s’y attendre. Une grande majorité des réfugiés hébreux se sont plaints à Moïse que la délivrance qu’ils attendaient ou pensaient promise n’était pas au rendez-vous. La difficulté d’être un réfugié semblait dépasser de loin l’oppression de l’esclavage.
La leçon apprise par Israël dans les souffrances qui lui ont été infligées par Pharaon est qu’il y a parfois des gens avec lesquels il n’est pas possible de dialoguer. Cela est dû au fait que certaines personnes n’écoutent pas. La Torah fait référence à cela en disant que Dieu endurci le cœur de Pharaon.
Ce que les Juifs ont appris au cours de leur longue histoire, c’est que pour chaque famine, chaque restriction de liberté, chaque « cœur endurci », chaque maladie, en fait, pour chaque défi à l’existence humaine, une réponse humaine est disponible. La culture juive est au centre de cette leçon. Son objectif est de permettre aux générations successives de développer des capacités de plus en plus grandes à répondre aux défis de la vie.
Si les Juifs, en tant que nation et en tant qu’individus, sont si remarquables dans des domaines tels que la lutte contre les maladies du corps humain, la pénurie de nourriture et de ressources économiques, et l’injustice dans la vie sociale, c’est en raison de leur « culture juive de la responsabilité. »
Il est donc plus approprié de parler du judaïsme comme d’une culture plutôt que de le réduire à une simple religion. Les valeurs du judaïsme ne sont pas seulement orientées vers l’atteinte de sommets spirituels mais vers tous les aspects de l’existence humaine. Le message de Pessah concerne la liberté nécessaire pour développer les capacités à répondre aux défis de la vie et à vivre une vie responsable.
Chaque Juif – comme le dit la Torah : « Vos petits-enfants, vos femmes, et l’étranger qui se trouve dans votre camp, de celui qui coupe votre bois à celui qui puise votre eau » – quelle que soit sa position dans la vie, devient un membre du peuple d’Israël par les responsabilités qu’il assume. Tel est le message de Pessah.
Pessah offre une occasion unique de rassembler les familles et les amis. Manquer l’occasion de parler des défis auxquels la vie humaine est confrontée aujourd’hui et du rôle que chacun d’entre nous joue pour aider à les relever serait loin de l’intention et de l’esprit de la fête.
Le rabbin Moshe Pitchon est l’auteur de « Something New is Happening : La vie et l’époque de Naftali Bennett », qui paraîtra bientôt en français.