Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a fait le déplacement pour afficher, lors de ce sommet historique, l’alliance d’Israël avec quatre pays arabes. Par Danièle Kriegel.
Les médias israéliens ont fini par l’admettre : le sommet du Néguev n’est pas qu’une simple opération de com de Yaïr Lapid, le ministre des Affaires étrangères. Mais bel et bien un événement historique. Quatre chefs de diplomatie arabes réunis aux côtés de leur homologue israélien et du secrétaire d’État américain Antony Blinken à Sde Boker, le kibboutz où a vécu et est enterré David Ben Gourion, le fondateur de l’État d’Israël. Le symbole est très fort. Tout comme le cliché qui a clos la rencontre : les six hommes se prenant les mains pour former une chaîne humaine.
Un « Otan israélo-proche-oriental »
Il ne s’agissait pas que d’une simple cérémonie destinée à confirmer les accords d’Abraham, mais bel et bien d’une rencontre visant à sceller une alliance en bonne et due forme contre l’Iran et ses satellites dans la région. Ce que Yaïr Lapid a appelé « une nouvelle architecture régionale basée sur le progrès, la technologie, la tolérance régionale, la coopération sécuritaire et en matière de renseignement ». Gil Marciano, le patron de Mitvim, un think tank israélien, va jusqu’à parler d’un « Otan israélo-proche-oriental, avec le soutien de Washington ».
Là, il faut rappeler que, le 3 février dernier, Benny Gantz, le ministre israélien de la Défense, a conclu à Manama un accord de coopération militaire avec le Bahreïn. Un officier de haut rang de la marine israélienne va ouvrir un bureau permanent, dans cet État où se trouve également une importante base américaine. En novembre dernier, un exercice naval a eu lieu en mer Rouge, auquel ont participé des navires de guerre américains, bahreïniens, émiratis et israéliens.
Front uni
Cela dit, le sommet du Néguev a surtout été l’occasion de présenter au secrétaire d’État Antony Blinken un front uni face à l’intention de l’administration Biden de retirer les Gardiens de la révolution iranienne de la liste des organisations terroristes. À ce propos, le chef de la diplomatie du Bahreïn, Abdullatif bin Rashid Al Zayani, a rappelé le soutien iranien aux houthis du Yémen, qui, tout récemment encore, ont lancé des drones d’attaque sur les installations pétrolières saoudiennes. Il a été question également des conséquences de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Notamment la question de l’énergie et la flambée des prix du blé.
Mais il y avait les grands absents. À commencer par le ministre jordanien des Affaires étrangères. Ayman Safadi n’est pas venu, car cela aurait pu gêner le souverain hachémite, attendu ce lundi à Ramallah, pour un entretien avec le président palestinien, Mahmoud Abbas. Abdallah II a fait le déplacement après la fin du sommet de Sde Boker. Autres grands absents, les dirigeants palestiniens. Ils n’avaient pas été invités et ils font grise mine. Pour Bassam al-Salihi, membre du comité exécutif de l’OLP : « Quelles qu’en soient les raisons, la visite de ces diplomates arabes dans le Néguev n’aidera pas la cause de la Palestine. »
La question palestinienne
Certes, si la question palestinienne n’a pas été au cœur des discussions du sommet, elle était dans tous les esprits. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukri, l’a longuement évoquée en lançant un avertissement aux Israéliens pour qu’ils évitent toute « activité unilatérale qui pourrait porter atteinte au calme durant la période à venir » (le mois de Ramadan). Pour sa part, Antony Blinken a tenu à rappeler : « Nous devons être très clairs en affirmant que ces accords de paix régionaux ne peuvent pas se substituer à des progrès entre Palestiniens et Israéliens. » Yaïr Lapid a conclu en annonçant que cette réunion n’était qu’un début. « Ce sera désormais le Forum du Néguev qui se réunira régulièrement. » Et d’ajouter : « Nous invitons les Palestiniens à se joindre à nous pour œuvrer en vue d’un avenir commun de progrès et de succès. »
Reste que face à ce Proche-Orient nouveau, l’ancien n’a pas quitté le devant de la scène, avec, ce dimanche soir, l’attentat commis dans la ville de Hadera, au nord de Tel-Aviv, par des terroristes se revendiquant de l’organisation État islamique (EI). Deux Arabes, citoyens israéliens, ont tué deux policiers et blessé une dizaine de personnes à l’arme automatique. Déjà mardi dernier, un autre Arabe israélien radicalisé avait assassiné au couteau quatre civils à Beersheba, la métropole du Néguev. L’EI a rappelé à tous qu’il n’avait pas disparu.
Par Danièle Kriekel