Le père Patrick Desbois, qui a documenté le génocide des juifs en Europe de l’Est, lance un travail de « collecte de témoignages » de victimes de la guerre en Ukraine, avec le souhait d’apporter « une pièce du puzzle » sur ce conflit, a-t-il indiqué vendredi à l’AFP.
« On a pris la décision de collecter le maximum de témoignages de personnes, soit ayant assisté à des crimes commis, soit ayant elles-mêmes été des victimes », a expliqué le père Patrick Desbois, président de l’association Yahad In Unum, connue pour son travail sur la « Shoah par balles » menée par les Einsatzgruppen nazis en Union soviétique.
Le père Desbois a déclaré avoir pris cette initiative en lien avec le mémorial de Babi Yar à Kiev, un site qui contient les restes de près de 34.000 juifs massacrés en 1941 alors que la ville était sous occupation nazie. Il en est le directeur du conseil académique depuis l’an dernier.
Les équipes des deux institutions, à l’aide de médiateurs sur le terrain, ont pu interroger, via une application de visioconférence enregistrant l’entretien, « une vingtaine » de personnes, notamment à Marioupol (sud), Irpin (près de Kiev), Kharkiv (Est) ou encore Kherson (sud), a-t-il dit.
« Une vingtaine d’autres », contactées, attendent de témoigner, selon le prêtre, qui s’est rendu pendant 20 ans en Ukraine pour ses investigations sur la Shoah par balles. « C’est une initiative qui n’en est qu’à ses débuts », et « il faut encore amasser un certain nombre de témoignages », a-t-il dit, jugeant qu’il est « trop tôt pour tirer des conclusions ».
Pour autant, « ce qui apparaît, c’est que des civils sont clairement visés, tués, blessés, indépendamment de tout objectif militaire prétendu », selon lui. « C’est clair qu’il y aura crimes de guerre et crimes contre l’humanité mais on ne l’affirme pas, seule la justice pourra le faire », a-t-il ajouté. Ce travail « n’est qu’une pièce du puzzle », à côté de celui mené « par d’autres institutions – renseignements, ONG, travail par satellite, etc. », a-t-il dit.
Mais il pourra éventuellement « être fourni à la Cour pénale internationale », qui a ouvert début mars une enquête sur des allégations de crimes de guerre en Ukraine. Ou encore « à l’Allemagne », qui a aussi lancé une enquête sur de possibles crimes de guerre commis par les forces russes depuis l’invasion de l’Ukraine décidée par Vladimir Poutine.
Il y a quelques années, le père Desbois avait recueilli les témoignages d’enfants yézidis enrôlés de force par le groupe jihadiste Etat islamique (EI).