Avec l’installation de douze premiers pavés de mémoire, les « Stolpersteine » et une exposition, Le Havre rend hommage, ce lundi 28 mars 2022, aux victimes du nazisme.
Douze petits pavés en béton recouvert d’une plaque en laiton seront scellés dans le trottoir, ce lundi 28 mars 2022, par l’artiste berlinois Gunter Demnig. Ces douze pavés sont placés devant le dernier domicile connu de personnes juives, qui vivaient là, cours de la République, rues de Paris, de Neustrie, ou rues Montesquieu et Léon-Cassadou, avant d’être déportées à Auschwitz ou Sobibor, entre 1942 et 1944.
Les « Stolpersteine » ou, en allemand, « pierres d’achoppement, sur lesquelles on trébuche », rappellent leurs prénoms, noms, dates de naissance, de déportation, décès et rendent hommage à chacune de ces victimes de la Shoah.
Des récits d’existence
À l’origine de cette initiative, l’appel à projets « Mémoires Auschwitz ». Lancé en 2016 par la Région Normandie en partenariat avec le Mémorial de la Shoah, ce dispositif comprenait un voyage d’études à Auschwitz et une rencontre avec Ginette Kolinka, rescapée des camps. Au Havre, Pierre Charrel et Camille Duparc, enseignants d’histoire et géographie au lycée Claude-Monet, ont alors proposé à leurs élèves de Première la réalisation d’une carte interactive de la Shoah au Havre avec la présentation de chaque victime. « Mettre des prénoms, des noms, des visages, incarner la Shoah en y associant des récits d’existence permet d’éviter l’écueil de l’abstraction, dû à l’éloignement chronologique et l’énormité criminelle de cet événement », expliquent-ils.
Les lycéens volontaires ont mené une véritable enquête sur la communauté juive du Havre, qui comptait quelque 300 personnes avant la Deuxième Guerre mondiale, à l’appui des archives municipales et d’ouvrages universitaires. « Inscrites dans l’espace urbain contemporain, ces vies brisées ont été associées à des lieux familiers, dans une géographie mentale, une représentation intime et affective de la ville », soulignent les enseignants.
Plus de 90 000 pavés dans toute l’Europe
Ce travail, restitué en 2017 au lycée et au Mémorial de Caen a fait émerger l’idée de « le pérenniser dans l’espace urbain, explique Pierre Charrel, sous la forme des Stolpersteine ». Ces pierres rendent hommage aux victimes du nazisme et plus de 90 000 ont déjà été posées dans toute l’Europe, depuis les années 90, par l’artiste allemand Gunter Demnig.
Les enseignants ont créé l’association Pavés de mémoire Le Havre Seine métropole en 2021, les élèves de terminale du lycée François-1er ont pris le relais pour poursuivre les recherches, l’université a organisé une journée d’étude le 17 mars et la Ville a financé le projet des pavés. Une exposition de quatorze panneaux sera présentée durant un mois à l’Hôtel de ville, avant de tourner dans les lycées. En perspective, l’accès au public de la carte interactive et la poursuite de la pose des Stolpersteine.