Cinq adolescents avaient saccagé en 2015 le cimetière juif de Sarre-Union, provoquant une vague d’indignation. Ils ont été condamnés à payer des amendes et à de la prison avec sursis.
Il aura fallu sept ans pour que la justice reconnaisse le préjudice subi par les familles des défunts du cimetière juif de Sarre-Union, profané en février 2015. Pour la première fois, cependant, une juridiction, en l’occurrence le tribunal pour enfants de Saverne, condamne les profanateurs à payer des sommes au-delà de l’euro symbolique. Ce sont plus de 80.000 euros au titre des dommages et intérêts et 11.000 euros pour les frais d’avocats qui devront être versés, de manière solidaire, par les cinq jeunes gens et leurs familles, qui n’ont jamais exprimé de regret.
Un mois après les premiers attentats qui avaient endeuillé Paris, cinq adolescents de 13 à 16 ans avaient dévasté le cimetière juif de Sarre-Union. Sur les 524 stèles, dont la plus ancienne remonte à 1822, 269 monuments avaient été saccagés, les plaques du mémorial des victimes de la Shoah brisées. «Combien de haine a-t-il fallu pour profaner autant de tombes?» s’est interrogé Maurice Dahan, président du consistoire israélite du Bas-Rhin, propriétaire des 44 cimetières juifs du département. Autant que les dégâts considérables, le comportement des lycéens avait ému les proches des défunts, dont les sépultures avaient et renversées et parfois souillées, couvertes de références à Hitler. La profanation du cimetière de cette commune du nord de l’Alsace, où il ne reste plus que deux familles juives, avait provoqué une onde de choc nationale.
À l’issue du procès à huis clos de 2017, le tribunal a reconnu «la motivation antisémite» des auteurs, issus de familles alsaciennes. Ils ont été condamnés à des peines de huit à dix-huit mois de prison avec sursis, et à 140 heures d’intérêt général. Parallèlement, «les assurances des familles avaient pris le relais pour financer la réhabilitation», rappelle Maurice Dahan. Par souci d’efficacité, il a conduit les négociations avec les assureurs. Plus de 560.000 euros ont été versés, un mécène avançant les fonds pour les travaux – estimés à 840.000 euros – afin de réhabiliter les tombes à l’identique. Un travail long et minutieux.
En octobre dernier, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait présidé, en présence du grand rabbin de France, Haïm Korsia, et du grand rabbin du Bas-Rhin, Harold Abraham Weil, à la réouverture du cimetière réhabilité. Restait la question des réparations morales, qui a été évoquée lors d’une audience le 26 novembre. Le jugement rendu ce 25 mars par les magistrats de Saverne répond indéniablement aux attentes des parties civiles. «Il s’agit autant d’une punition individuelle pour ceux qui ont profané les tombes que d’une réparation pour nos familles», analyse Maurice Dahan, au vu des premiers éléments.
«Des peines qui fassent réfléchir»
Pour Me Muriel Ouaknine Melki, l’un des cinq avocats de l’Organisation juive européenne qui ont défendu onze des quarante parties civiles, dont la Licra, «c’est la première fois qu’une telle indemnisation est allouée». «Alors que les avocats de la défense avaient plaidé pour l’euro symbolique, ce qui nous paraissait d’autant plus déplacé que ces familles avaient bénéficié de l’aide juridictionnelle, nous avions demandé des peines qui fassent réfléchir et empêchent la récidive et la réitération de tels actes. Lorsqu’on est condamné à une telle peine, on y réfléchit à deux fois», se satisfait l’avocate, qui dénonce la multiplication des actes antisémites.
Elle a défendu Michel Gugenheim, grand rabbin de Paris, dont les arrière-grands-parents reposent à Sarre-Union. Isaac Gugenheim y avait été rabbin, au XIXe siècle, d’une communauté juive alors florissante. Il y a aussi la famille, rapatriée d’Afrique du Nord, de Bernard Zenou, décédé à l’âge de 19 ans d’une leucémie foudroyante. Il était à peine plus âgé que ses profanateurs, ce qui ne les a pas arrêtés…