Un nouveau décret-loi du gouvernement permet de renforcer le contrôle des demandes de naturalisation et de réduire drastiquement le nombre de candidats, rapporte Expresso. Le rabbin de Porto, lui, a été arrêté pour des soupçons de fraude et de corruption.
La fête est finie. Après l’ouverture d’une enquête par la justice portugaise, le gouvernement socialiste d’António Costa a décidé de restreindre l’octroi de la citoyenneté portugaise aux descendants de Juifs séfarades expulsés du pays à la fin du XVe siècle. Depuis 2015 et le vote d’une loi de réparation historique, près de 90 000 demandes avaient été déposées. Des sollicitations massives qui ont éveillé des soupçons.
Désormais, le nouveau décret-loi proposé par l’exécutif et promulgué le 9 mars par le président, Marcelo Rebelo de Sousa, “va réduire drastiquement le nombre de candidats”, annonce Expresso. Ces derniers devront présenter de nouveaux documents pour “prouver leur lien réel et objectif au pays”, alors que jusqu’ici la certification des demandes, qui a donné lieu à un business à plusieurs millions d’euros, était nettement moins regardante.
Roman Abramovitch et Patrick Drahi dans le viseur
C’est du moins ce que soupçonne la justice portugaise, qui a déclenché une enquête en janvier à la suite de la délivrance d’un passeport au milliardaire russe Roman Abramovitch, ami personnel du président Vladimir Poutine. Expresso précise à son sujet : « Avec les règles qui s’apprêtent à entrer en vigueur, mais qui n’ont pas d’effet rétroactif, l’oligarque russe n’aurait pas pu obtenir sa naturalisation.”
L’enquête vise également le passeport accordé à Patrick Drahi, patron du groupe Altice, par la Communauté juive de Porto (CIP), qui a validé 90 % des demandes déposées et s’est passablement enrichie en quelques années. Son leader religieux, le rabbin Daniel Litvak, a été arrêté le 11 mars puis assigné à résidence, alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour Israël. Plusieurs charges pèsent contre celui qui disposerait de 3 millions d’euros sur ses comptes, notamment à l’étranger, tirés de la corruption, la falsification de documents, le blanchiment d’argent ou encore la fraude fiscale.
De 150 à 200 millions de bénéfices
Cette action judiciaire destinée à établir s’il y a eu des irrégularités dans l’examen des demandes est dénoncée par la CIP, qui a depuis suspendu ses activités de certification, ne souhaitant plus collaborer avec le gouvernement. En réaction, le 15 mars, la Société de généalogie séfarade a déploré l’enquête en cours au Portugal, dans des propos rapportés par Expresso : « Nous sommes profondément honteux et regrettons d’avoir abusé de la générosité du peuple portugais.”
Selon cette organisation, le filon des passeports séfarades accordés au Portugal et en Espagne depuis 2015 aurait permis entre 150 et 200 millions d’euros de bénéfices.