Pendant dix-huit ans, Zvi Ammar a assuré la fonction de président de la communauté juive de Marseille. Cette période fondamentale de son parcours lui a permis d’œuvrer au bien-être des membres de cette communauté, mais aussi de ceux d’autres confessions religieuses. En effet, la priorité de cet homme de terrain a toujours été de concilier les différentes aspirations pour rechercher le consensus républicain. Nous avons voulu échanger avec lui pour en savoir plus sur ses réalisations et ses projets futurs.
Vous étiez auparavant président de la communauté juive de Marseille, quel est votre rôle actuellement ?
Zvi Ammar : Aujourd’hui, je suis Président du consistoire régional de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ce dernier est important, car il regroupe dix-sept communautés, dont celle de Marseille, mais aussi celles de Marignane, Toulon, Avignon, sans oublier Aix-en-Provence. Notre rôle est essentiel, car nous participons pleinement à la vie de la communauté juive de la région.
Pendant longtemps, vous avez assuré une autre fonction au sein de la communauté, celle de Président de la communauté juive de Marseille.
Effectivement. J’ai eu beaucoup de plaisir à assurer cette fonction, car la communauté marseillaise compte pas moins de quatre-vingt mille personnes. Ces dernières fréquentent régulièrement soixante synagogues. En outre, de nombreuses associations ont été créées par nos membres. Citons notamment des associations liées à la culture, la jeunesse ou à la mémoire.
Quelles ont été les actions que vous avez menées lors de votre présidence de la communauté juive de Marseille ?
En priorité, mon souhait était de dépasser les clivages pour réunir les différentes communautés présentes à Marseille. Il s’agit d’un acte permettant de préserver une harmonie et une cohésion pour tous les habitants de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Par conséquent, je me suis efforcé de développer tout au long des dix-huit années des relations qualitatives et respectueuses avec l’ensemble des représentants de différents cultes ainsi qu’avec les croyants. Ainsi, nous avons tissé des liens forts avec des catholiques, des musulmans, des protestants ainsi qu’avec des bouddhistes. Ces démarches sont importantes, car elles permettent de créer une société plus sereine. Or, rechercher en permanence cette paix sociale est pour moi quelque chose d’incontournable d’autant que les périodes de tensions internes ou externes sont nombreuses notamment à cause de la situation complexe au proche orient.
Vous avez d’ailleurs été un acteur important du rapprochement entre la France et Israël.
Pour la majorité des juifs de France, la France et Israël sont comme leurs parents. Pour cette raison, nous aimons autant les deux et nous ne faisons pas de différence. De surcroît, la communauté juive cherche l’harmonie entre ces deux parents. C’est la raison pour laquelle le rapprochement entre les deux pays est un objectif cher à mon cœur. J’ai donc mis en place différentes initiatives dans ce sens et réalisé plusieurs voyages en Israël pour affirmer les liens entre ces deux pays. J’ajouterai pour conclure qu’un lieu éternel existe entre les juifs et la terre sainte, quel que soit l’endroit où ils se trouvent dans le monde.
Lorsque vous étiez à la tête de la communauté juive de Marseille, vous avez développé des initiatives locales pour lutter contre les inégalités. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Avant tout, je ne voulais pas que le manque d’argent soit un obstacle à une existence vécue dans la dignité. C’est pourquoi nous avons mis en place les paniers de Chabbat. Ce jour est le plus sacré de la semaine dans le calendrier juif. Il était donc nécessaire que les membres de la communauté ne manquent de rien. Nous avons ainsi donné tous les jeudis à chaque famille juive un panier contenant vingt-sept produits alimentaires pour fêter Chabbat dans les meilleures conditions. Mais, nous avons aussi été au-delà de la communauté juive et ouvrant cette aide aux familles catholiques ou musulmanes qui pouvaient elles aussi bénéficier des paniers de Chabbat. Ce projet a fort bien fonctionné et j’en suis très heureux. Il est vrai que cela démontre qu’il y a encore beaucoup de misère dans la société d’aujourd’hui. Néanmoins, notre équipe a réussi à donner un peu de chaleur humaine à des centaines de personnes et c’est bien là l’essentiel. De plus, j’estime qu’une religion n’acquiert ses lettres de noblesse que lorsqu’elle est fraternelle, tolérante et ouverte aux autres. Or, avec les paniers de Chabbat, nous avons démontré que nous pouvions tous nous entraider, quelles que soient les communautés.
Pouvez-vous nous nous donner votre sentiment concernant l’élection du président du consistoire central qui a eu lieu le 24 octobre dernier ?
En premier lieu, il est important de saisir l’importance du consistoire central. Ce dernier est la fédération de l’ensemble des consistoires de France. Basé à Paris, il regroupe deux cent cinquante communautés juives du territoire métropolitain, mais aussi des DOM-TOM. C’est le nouveau président de cette institution qui a été élu le 24 octobre. Toutefois, cette élection fut particulière, car pour la première fois, il n’y avait qu’un seul candidat : Maître Élie Korchia. Ce dernier a cependant recueilli l’adhésion de trois cent onze grands électeurs. Finalement, il a été élu président du consistoire central grâce à 89,8% des suffrages exprimés en sa faveur.
Vous êtes d’ailleurs un soutien de M. Korchia et vous estimez qu’il s’avère être un candidat idéal pour exercer ces fonctions. Pourquoi ?
Tout au long de ma carrière, ma principale préoccupation a été de soutenir les acteurs républicains. Ceci, car ces derniers sont les acteurs essentiels du vivre ensemble. Je pense en effet que nous devons toujours chercher ce qui nous unit et atténuer dans la mesure du possible ce qui nous différencie. C’est la raison pour laquelle j’ai soutenu sans réserve Maître Élie Korchia qui est un homme brillant, qui recherche toujours le consensus. Ce consensus fait partie des valeurs républicaines que nous partageons et chérissons tous en tant que citoyens français. C’est aussi pour cela que nous avons d’excellentes relations de travail avec plusieurs élus. Citons notamment la présidente de la métropole et du Conseil départemental, Martine Vassale, mais aussi le Président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur Renaud Muselier. Celui-ci sait parfaitement rassembler les tendances politiques modérées pour qu’elles puissent œuvrer ensemble à des projets communs.
Pour conclure cet entretien, quels sont vos projets au sein du consistoire ?
Je vais poursuivre mes efforts pour la paix sociale. C’est un objectif toujours d’actualité au vu des tensions sociales. Pour cette raison, je cherche à rassembler les communautés, mais aussi les partis politiques et les citoyens tant qu’ils respectent le vivre ensemble. Ceci, car le consensus républicain est à mes yeux, un pilier de notre société.