Mardi, dans un article intitulé : « Israël a une certaine influence sur la Russie si seulement il est prêt à l’utiliser », l’un des meilleurs journalistes israéliens dans Haaretz a écrit: « Bennett semble aussi abasourdi par Poutine que Netanyahu l’était. »
Trois jours plus tard, il a exprimé son évaluation du Premier ministre israélien : « Bennet n’a pas réussi à faire avancer la politique de son prédécesseur. Tout comme Netanyahu, il est émerveillé et a peur de Poutine, et comme tous les dirigeants israéliens précédents, il a prouvé que quand nous disons ‘plus jamais’, nous voulons en fait dire ‘plus jamais ça pour nous’. »
Samedi, avant que la rencontre inattendue de Bennett à Moscou ne soit rendue publique, des manifestants devant la maison de Bennett à Ra’anana ont exigé qu’Israël se joigne aux sanctions occidentales contre la Russie et accueille davantage de réfugiés d’Ukraine.
La réunion de samedi a eu lieu alors que les forces russes encerclaient les principales villes ukrainiennes. Il s’agissait de la première rencontre de Poutine avec un dirigeant étranger depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie dix jours plus tôt. Auparavant, le président français Emmanuel Macron et le ministre chancelier allemand Olaf Scholz s’étaient rendus à Moscou, selon les termes du Wall Street Journal « n’ayant pas réussi à empêcher M. Poutine d’envahir l’Ukraine ou de faire reculer ses chars ».
Alors qu’il subissait de sévères critiques en Israël pour ne pas avoir adopté une attitude plus définie et plus combative contre la Russie, (« Israël agit comme un État client russe, presque un allié », a écrit Uri Misgav dans un article intitulé : « La politique d’Israël en Ukraine est une honte ») Le Premier ministre israélien était en train de conclure un accord hors de la vue du public. Parlant au téléphone avec le président Poutine et Zelensky et rencontrant la chancelière allemande, il a réussi à faire admettre dimanche à Poutine qu’il était « prêt à négocier ». Certes, la surprenante rencontre samedi de Bennett a été méticuleusement coordonnée avec les États-Unis, l’Allemagne et la France et « dans le cadre d’un dialogue permanent avec l’Ukraine ».
Après la rencontre de trois heures avec Poutine et en route pour rencontrer le chancelier Scholz en Allemagne, Bennett a informé le président Zelensky et d’autres dirigeants mondiaux de la conversation. Nous ne connaissons pas encore le contenu de la conversation, mais le fait que le premier dirigeant étranger avec lequel Poutine a décidé d’avoir une conversation en face à face ait été le Premier ministre israélien est significatif.
« Bennett n’a pas le prestige international, l’intégrité, la capacité, les connaissances », avait déclaré Netanyahu. Comparé à ses prédécesseurs, il a été dit que Bennett n’avait pas « l’auréole du leadership ». Les rabbins haredi l’ont accusé d’avoir « perdu son chemin, ses valeurs et sa conscience. »
Après seulement huit mois au pouvoir, alors que beaucoup pensaient qu’il serait improbable que la coalition formée par Bennett survive, le Premier ministre a atteint le statut de membre de confiance et égal parmi les dirigeants des pays les plus influents du monde. Après tout, c’est l’homme qui, plusieurs fois au cours de sa vie, a rendu possible l’impossible.
Après avoir échoué a franchir le seuil électoral nécessaire pour entrer à la Knesset lors des élections d’avril 2019, il y revient un peu plus de deux ans plus tard pour devenir Premier ministre. Il a forgé l’une des coalitions gouvernementales les plus diversifiées sur le plan idéologique au monde, sauvant le pays d’un marasme de deux ans qui menaçait la démocratie nationale. Grâce à l’inclusivité politique de la coalition au pouvoir, la dernière édition de l’indice annuel de la démocratie de l’Economist Intelligence Unit a classé Israël comme plus démocratique que les États-Unis, l’Espagne, la Grèce et la Belgique et juste derrière la France.
En 2005, alors qu’il avait 33 ans, il a vendu l’entreprise qu’il avait cofondée a 20 ans, en levant 27 millions de dollars pour 145 millions de dollars. Après cela, il a fait trois autres sorties réussies dans la haute technologie, suivies d’une carrière politique fulgurante de 15 ans qui l’a amené au poste de ministre des Affaires religieuses, de Jérusalem et des Affaires de la diaspora, de l’Économie, de l’Éducation et de la Défense.
Mais surtout, Naftali Bennett est l’un des membres le plus représentatif d’une nouvelle génération d’Israéliens qui apportent au monde une façon de penser caractérisée par son pragmatisme, son humanisme et sa conviction morale.
Alors que de nombreuses personnes en Israël pensaient que la guerre en Ukraine avait plongé le pays dans un dilemme où la realpolitik l’emportait sur la clarté morale, Bennett a montré que les principes et le pragmatisme étaient alignés.
Le même média israélien qui, le 2 mars, a titré un article : « La politique ukrainienne d’Israël est une honte », notait deux jours plus tard qu’entre 200 et 400 réfugiés ukrainiens entrent chaque jour en Israël.
Sur les 584 détenteurs de passeports ukrainiens arrivés en trois jours, seuls 22 se sont vu refuser l’entrée. La politique d’Israël est que les Ukrainiens peuvent venir en Israël s’ils ont des parents israéliens qui garantissent qu’ils ne s’installeront pas ici de façon permanente et déposent une garantie sous la forme d’un chèque de 10 000 shekels (3 000 $) par personne a été vivement critiqué. En pratique, bien que peu d’entre eux aient été tenus de signer une garantie.
La question des réfugiés est façonnée par le fait qu’Israël se prépare à accueillir au moins 100 000, peut-être même 300 000 réfugiés juifs d’Ukraine et de Russie. Le problème du gouvernement est de savoir comment trouver un logement pour tant d’immigrants.
Trente mille Juifs ukrainiens se sont installés en Israël entre 2014 et 2018 après l’annexion russe de la péninsule de Crimée. Une enquête démographique menée en 2020 par le Jewish Policy Research Institute a estimé que le noyau de la population juive d’Ukraine comptait 43 000 personnes (1,18% d’une population totale du pays de 41 800 000). Cependant, environ 200 000 Ukrainiens sont techniquement éligibles à la citoyenneté israélienne, ce qui signifie qu’ils ont une ascendance juive identifiable. Le Congrès juif européen estime que ce nombre pourrait atteindre 400 000.
Par le rabbin Moshe Pitchon, auteur de « Something New is Happening: The Life and Times of Naftali Bennett »