À partir du 27 mars 2022, le Mémorial de la Shoah de Drancy présente pour la première fois une grande sélection de lettres d’internés des camps de Drancy et du Loiret, dans son exposition « C’est demain que nous partons. » Lettres d’internés, du Vel d’Hiv à Auschwitz. Ce titre fort dévoile une émouvante confession écrite dans l’une de ces lettres, ultime témoignage d’un destin brisé par la déportation.
Trésors des familles qui les ont confiés au Mémorial, ces lettres sont le témoignage bouleversant de l’humanité derrière les noms et les nombres. Écrites au Vel d’Hiv, à Drancy, dans le Loiret et dans d’autres camps d’internements ces lettres reviennent, 80 ans plus tard, sur ces lieux de mémoire, pour témoigner, à travers leurs auteurs, de la Shoah en France.
À partir de la fin de l’année 1940, des dizaines de milliers de Juifs se retrouvent enfermés dans les camps d’internement de la zone libre puis dans ceux de la zone occupée. Leur seul lien avec l’extérieur est alors la correspondance qu’ils peuvent parfois faire parvenir à leurs proches.
Avec le déclenchement de la « Solution finale » en 1942 et les déportations, ce fil ténu maintenu avec l’extérieur se transforme en adieux avant la déportation. Ces lettres constituent souvent les dernières traces laissées par les victimes à la veille de leur départ, ou même parfois écrites depuis les wagons qui les emmènent « vers l’Est ». Envoyées depuis les camps d’internement, depuis Drancy ou jetées des trains, ces billets et cartes postales sont les derniers mots des victimes de la Shoah parvenus à ceux qu’ils aimaient.
Traduits, retranscrits, les originaux et fac-similés seront étayés de photographies et d’objets liés à la correspondance. Des éléments historiques permettront de mettre en lumière l’importance de la correspondance dans la Shoah, pendant et après la guerre, et son rôle essentiel dans la transmission de la mémoire et de l’histoire du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Des lettres pour retracer l’Histoire
Les lettres recouvrent l’intégralité de l’histoire de la Shoah. De l’internement dans les camps et à Drancy, ultime étape avant la déportation, proches et déportés n’auront eu de cesse d’écrire. Après l’arrestation, à travers l’écriture à leur famille, leurs amis, leur employeur, leur logeur, les personnes internées tentent d’anticiper leur absence, dont la durée est incertaine.
Si certaines lettres tentent d’obtenir une libération auprès des autorités administratives ou par le biais de proches, d’autres sont marquées par un sentiment d’adieu, à mesure que le départ approche. Après la guerre, la lettre administrative fera son retour, sous la plume des rescapés qui tenteront de retrouver la trace des membres de leur famille disparus.
Pour les internés, dont le quotidien est marqué par l’incertitude, la lettre a un double rôle. Contrôlée, elle est l’unique moyen de se procurer des vêtements et de la nourriture. Censurée, elle sert à la fois à rassurer ses proches et à les avertir du danger. Brutalement coupé du monde extérieur, l’interné n’a que l’écriture pour tenter de répondre à l’incertitude réciproque quant au devenir de l’autre. Ecrites à Drancy la veille du départ ou jetées du train, elles sont, parfois consciemment, un adieu définitif.
Cette exposition permettra de comprendre comment les internés et les déportés écrivaient: quels moyens étaient utilisés pour se procurer du papier, pour faire parvenir le courrier, dans les circuits légaux et de manière clandestine. Le papier étant une denrée rare dans les camps d’internement, et plus rare encore à Auschwitz-Birkenau, la difficulté à se procurer de quoi écrire pousse les internés à avoir recours à divers supports, certains conventionnels, comme les cartes postales, d’autres moins. Jusque dans les trains qui les emmènent à l’est, et au cœur-même d’Auschwitz, par besoin d’écrire à tout prix, pour les autres et pour soi, les déportés n’auront eu de cesse de chercher des supports et des moyens de faire parvenir leurs mots.
73 convois partirent de France à destination des centres de mise à mort, majoritairement Auschwitz-Birkenau. A l’occasion de la commémoration du 80e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, conduite les 16 et 17 juillet 1942 avec la collaboration de la police française, le Mémorial de la Shoah commémorera, notamment à travers cette exposition, les victimes de la Shoah. Chaque convoi sera rappelé par une lettre d’une des personnes déportées par ce convoi, le tout intégré au sein d’une frise, fruit d’un travail de recherche inédit.