Le Premier ministre s’est entretenu dimanche avec Vladimir Poutine à propos de son offensive militaire en Ukraine. L’embarras est palpable côté israélien. Par Danièle Kriegel.
C’est la quadrature du cercle ou le problème quasi insoluble auquel Israël se heurte depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Comment ne fâcher ni Moscou ni Washington, tout en préservant ses intérêts sécuritaires ? Après un communiqué anémique publié jeudi soir tard par la présidence du conseil à Jérusalem, exprimant son soutien à l’Ukraine mais sans mention de la Russie, puis 24 heures plus tard, un second communiqué, cette fois du ministère des Affaires étrangères à Jérusalem condamnant la violation de l’intégrité de l’Ukraine et lui offrant une aide humanitaire, c’est lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU que le monde a pu mesurer l’embarras et la gêne des responsables israéliens sur ce dossier.
Alors que les États-Unis lui avaient demandé, comme à des dizaines d’autres pays, membres non permanents du Conseil, de coparrainer une résolution condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Israël a décidé de ne pas répondre à l’appel de son principal allié et donc de ne pas figurer parmi les coauteurs de ladite résolution condamnant la Russie. À Washington, on a pris note de ce manque de soutien de la part d’Israël.
Silence radio du côté de la Défense
Pour Jérusalem, la guerre lancée par la Russie en Ukraine est une véritable patate chaude, dont ses dirigeants se seraient bien passés. D’un côté, pas question d’irriter l’ami russe qui permet depuis des années à l’armée de l’air israélienne d’opérer contre toute présence iranienne en Syrie et le Hezbollah libanais aux ordres de Téhéran. Cette coordination avec Moscou a été mise en place par Benyamin Netanyahou, lorsqu’il était Premier ministre. Son successeur à la tête du gouvernement, Naftali Bennett, l’a poursuivie.
Proposition de médiation
À l’heure qu’il est, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, se présente comme un médiateur possible. Ce dimanche, au cours d’une conversation téléphonique avec Vladimir Poutine, il a proposé sa médiation dans le conflit avec l’Ukraine. Le chef du Kremlin lui aurait répondu qu’une délégation russe attend à Gomel, en Biélorussie, pour négocier avec des représentants de Kiev. Mais les Ukrainiens « n’ont pas saisi l’occasion, démontrant ainsi leur incohérence ». Déjà, ce samedi, le président Zelensky avait demandé à Naftali Bennett d’accepter ce rôle de médiateur, car, selon l’ambassadeur d’Ukraine à Tel-Aviv, Yevgeny Kornichuk, « Israël est le seul État démocratique à avoir de bonnes relations à la fois avec l’Ukraine et la Russie ». Il a ajouté : « Il serait préférable de tenir ces négociations à Jérusalem et non en Biélorussie, pays allié de Poutine. »
En attendant, à Tel-Aviv, ce samedi soir, des milliers d’Israéliens ont manifesté leur colère envers la Russie. Ils déplorent aussi la réponse d’Israël, qu’il juge trop diplomatique. Parmi eux, de nombreux originaires de Russie et d’Ukraine. Ils sont là sous les slogans : « Arrêtez la guerre » et « À bas Poutine ».
Danièle Kriegel