Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Florian Philipot, François Asselineau… Si ceux qui partagent leur nom avec des prétendants à l’Elysée ne subissent pas les mêmes déboires que le Eric Zemmour niçois dont le salon de coiffure a été vandalisé, leur quotidien se trouve troublé par la campagne.
Ils ont le même nom, mais pas la même vie. Tandis qu’Eric Zemmour, Fabien Roussel ou encore Anne Hidalgo labourent la France pour conquérir des électeurs en pleine campagne présidentielle, Eric Zemmour, Fabien Roussel et Anne Hidalgo doivent endurer chaque jour les blagues potaches de leurs collègues et amis. Ou pire : en début de semaine, le salon d’un coiffeur établi à Nice et portant le même nom que le candidat d’extrême droite a été vandalisé.
Depuis, Eric Zemmour, le coiffeur, multiplie les apparitions dans les médias pour exprimer son ras-le-bol d’être confondu avec le polémiste. «Ça m’a fait rire deux minutes. Maintenant, ça commence à me saouler», assène celui qui dit subir un véritable calvaire depuis que son homonyme d’extrême droite est candidat à l’élection présidentielle.
Fort heureusement, la vie n’est pas si dure pour les autres Français portant les mêmes noms et prénoms (ou presque) qu’une personnalité politique. Libé a échangé avec plusieurs d’entre eux.
Fabien Roussel
Eux deux ont bien plus en commun qu’un nom et un prénom. Tout comme son homonyme candidat du PCF à l’élection présidentielle, Fabien Roussel est engagé en politique. A gauche, bien sûr. Dès ses 15 ans, en 1988, il adhère au Mouvement des jeunes socialistes puis au Parti socialiste jusqu’en 2015. Sous cette étiquette, il a même été adjoint au maire d’Eaubonne, dans le Val-d’Oise. Mais aujourd’hui, la rupture est consommée. «J’ai été déçu de la politique de François Hollande et Manuel Valls. Le PS paie sa dérive libérale : les valeurs de gauche ont été abandonnées et les électeurs sont déboussolés», analyse-t-il pour tenter d’expliquer les sondages abyssaux de leur candidate Anne Hidalgo.
On s’empresse alors de lui demander s’il pourrait voter pour son homonyme. Mais l’homme de 47 ans raisonne «vote utile». Son suffrage ira donc vers Jean-Luc Mélenchon au premier tour, lequel est mieux placé dans les sondages. Pourtant, Fabien Roussel apprécie plutôt le candidat communiste : «Il a un discours républicain qui me plaît et je partage ses analyses économiques et sociales. En revanche, le fait qu’il ait manifesté en compagnie du syndicat de police Alliance m’a dérangé.»
L’engagement politique, notre Fabien Roussel l’a délaissé au profit du syndicalisme. Il est représentant Force ouvrière dans la boîte d’assurances où il travaille. Il lui arrive pourtant d’être contacté par des militants communistes qui le confondent avec le secrétaire national du PCF. «Alors qu’on ne se ressemble pas du tout», raille celui qui porte des petites lunettes sous un crâne dégarni.
Depuis 2014, ils vivent avec sa femme et ses deux enfants dans l’Oise, dans la région des Hauts-de-France. Le Fabien Roussel rouge y était candidat lors des élections régionales de 2015. C’est à cette époque que le nôtre a découvert son existence. «En tombant sur son affiche électorale, ma femme a cru avoir une hallucination. Le soir en rentrant, elle m’a demandé pourquoi je m’étais présenté à ces élections sans la prévenir», s’amuse-t-il. Depuis, les deux ont déjà échangé quelques mots sur Facebook, se sont même proposés de se rencontrer. Mais cette prise de contact est restée lettre morte.
François Asselineau
François Asselineau est un homme de bonne foi. Depuis une dizaine d’années, cet agent immobilier de 54 ans reçoit des appels de militants de l’UPR, le parti de son homonyme politique. Sans savoir qu’ils ont la mauvaise personne au bout du fil, ils lui proposent de financer sa campagne électorale à travers des dons. Rien ne l’a jamais empêché de fournir son RIB pour récolter un petit pactole. «Je n’ai jamais accepté», assure-t-il.
Il lui arrive tout de même d’être facétieux. La veille de notre échange, un kiné prêt à lui fournir un chèque l’a appelé. «Je l’ai fait tourner en bourrique pendant vingt minutes. A la fin je lui ai dit la vérité, il était à la fois surpris et hilare.» C’est devenu une rengaine : en période électorale, il est contacté presque tous les jours. Une fois, c’est RTL qui l’a joint pour lui proposer une interview. Une autre fois, un fax long de six pages rempli d’invectives à son égard lui est parvenu. Le candidat pro-Frexit n’a pas que des admirateurs. Cependant, aussi incongrues toutes ces anecdotes soient-elles, aucune n’égalera la première de toutes. Celle qui l’amènera à rencontrer son homonyme.
Un matin en 2012, il reçoit un courrier recommandé du Conseil d’Etat. «On m’avait adressé sa déclaration de patrimoine à l’occasion de sa candidature à l’élection présidentielle», se remémore-t-il. L’administration publique, défaillante jusqu’au sommet de l’Etat… Toujours est-il que notre François Asselineau prend contact avec son équivalent politique via Facebook. «Il était fou de rage d’apprendre cette mésaventure. Mais je lui ai finalement remis cette enveloppe et nous avons bu une bière dans le quartier de l’Assemblée nationale.»
L’occasion de faire connaissance avec celui qui lors de cette élection n’obtiendra pas les parrainages nécessaires. «C’est un homme intéressant, très cultivé. Il n’a pas que des mauvaises idées, mais je n’ai pas voté pour lui quand il a réussi à se présenter en 2017.» Ce ne sera pas le cas cette année non plus. Son cœur balance entre Emmanuel Macron et Valérie Pécresse.
Florian Philipot
Ce ne sont pas de parfaits homonymes. Le nom du candidat eurosceptique d’extrême droite s’écrit avec deux «p». Celui du doctorant en astrophysique à l’observatoire de Paris avec un seul. Il n’empêche que ce dernier est régulièrement mentionné par erreur sur Twitter par des internautes le confondant avec le populiste. Les journalistes Bruno Jeudy et Francis Letellier ont déjà fait l’erreur. La ministre de la Ville, Nadia Hai, aussi. Cette dernière a adressé au vingtenaire une diatribe, lui intimant de ne plus «se contenter de jouer les commentateurs». D’autant plus cocasse que ce dernier nous reconnaît «ne pas beaucoup suivre l’actualité politique».
Florian n’était donc pas particulièrement au fait de la réputation d’antivax notoire que l’ancien du Front national s’est taillée ces derniers mois. «Chacun peut penser ce qu’il veut réagit-il, placide, lorsqu’on le lui annonce. Mais moi, personnellement, je suis vacciné et ne me reconnais pas dans ce discours.»
En revanche, ce qu’il croit savoir de son homonyme, c’est qu’il n’est «pas en très bonne position en vue de l’élection». Effectivement, au dernier décompte du Conseil constitutionnel, le candidat de son propre parti Les Patriotes n’avait qu’un seul parrainage. De toute manière, Florian Philipot n’aurait probablement pas voté pour Florian Philippot. «J’attends que la campagne se stabilise pour commencer à m’y intéresser vraiment et aller voir les programmes des candidats. Mais j’ai davantage une fibre environnementaliste», explique l’étudiant.
Anne Hidalgo
La boutade qui lui revient le plus souvent ? «On me demande sans cesse comment ça se passe à la mairie de Paris.» D’autant plus burlesque qu’elle vit à 700 kilomètres de la capitale, dans la commune de La Calmette entre Nîmes et Alès. Mais pour cette Gardoise, c’est devenu si courant qu’elle n’y prête même plus attention. «Depuis les bancs de la fac j’en entends parler, à partir du moment où elle est devenue adjointe au maire de Paris, il y a vingt ans donc», se souvient Anne Hidalgo, 42 ans.
Aucun jour ne passe sans qu’on ne lui fasse remarquer son homonymie avec la candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle. «Les commentaires sont toujours bienveillants et faits sur le ton de la plaisanterie. Donc l’expérience que j’en ai est plutôt joviale», explique cette praticienne de thérapie énergétique, une médecine alternative.
En revanche Anne Hidalgo ne se préoccupe pas particulièrement des affaires de son homonyme. Elle le dit sans ambages : «Tout ce qui se passe dans la sphère politique et le microcosme parisien ne m’intéresse pas du tout.» Elle est tout de même au courant que la maire de Paris se présente en 2022, mais n’a pas du tout regardé son programme. Ni celui de personne d’ailleurs. «Je compte pourtant bien voter, je suis une citoyenne. Mais je ferai ma petite popote de leurs programmes en temps voulu. Pour le moment non, il est trop tôt.»
Jean-Luc Lassalle
En l’occurrence, il n’a pas tout à fait le même prénom que Jean Lassalle, le candidat paysan du Béarn. Mais l’un et l’autre ont l’accent du sud-ouest et un franc-parler volubile. Ceci peut justifier les innombrables remarques que Jean-Luc Lassalle reçoit. «Neuf fois sur dix on me demande s’il est de ma famille. Et ce dans n’importe quel type de situation : aussi bien dans des soirées où je rencontre de nouvelles personnes qu’au travail», explique cet autoentrepreneur toulousain de 27 ans qui vient de créer sa marque de vêtements de sport.
«Ça me fait toujours bien rire, j’en joue même. Je réponds toujours que oui, c’est mon père, simplement histoire de voir leur réaction», s’amuse-t-il. Mais la fois où, il y a quelques mois, un attaché de presse étourdi le contacte en pensant avoir affaire au député des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Luc ne se montre pas si espiègle. «Il voulait faire campagne pour le vrai Jean Lassalle. Je lui ai dit qu’il se trompait de personne.»
Jean-Luc est plutôt indécis politiquement. Il a donc téléchargé l’application Elyze, inspirée du modèle de Tinder qui permet à ses utilisateurs d’identifier le candidat à la présidentielle le plus proche leurs idées. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit que Jean Lassalle était parmi les trois les plus en phase avec lui ! De là à voter pour lui ? Il ne sait pas encore.