Dans un livre paru cette semaine Jonathan Chetrit, ancien élève du collège-lycée Ozar Hatorah, raconte l’horreur du 19 mars 2012. Ce jour-là, le terroriste Mohammed Merah a fait irruption dans l’établissement et tué quatre personnes, dont trois enfants. Il parle d’un besoin « urgent » d’écrire.
On commence à en savoir un peu plus sur les commémorations qui vont avoir lieu pour les 10 ans des attentats de Toulouse et Montauban. Le président de la République sera notamment présent. Présent aussi un ancien élève de l’école juive Ozar Hatorah qui vient de publier un livre sur cette attaque terroriste. Jonathan Chetrit a écrit « Toulouse 19 mars 2012, l’attentat de l’école Ozar Hatorah par ceux qui l’ont vécu ». Un ouvrage pour lequel le jeune-homme a recueilli le témoignage d’élèves, de parents, de professeurs. Tous racontent quasiment minute par minute l’horreur du 19 mars 2012, quand le terroriste Mohamed Merah est entré dans ce collège lycée et a tué quatre personnes.
C’est pour Gabriel Sandler 3 ans, son frère Arié 5 ans, leur père Jonathan Sandler et Myriam Monsonégo qui avait 8 ans, qui sont morts, que vous avez écrit ce livre ?
C’est pour eux, bien évidemment, pour qu’on puisse réellement se souvenir de qui ils étaient et leur rendre hommage. Bien évidemment, j’ai aussi écrit ce livre pour nous. Et quand je dis pour nous, c’est pour la France, mais aussi pour les élèves, les témoins, les victimes, qu’elles soient directes ou indirectes, pour leur laisser enfin la possibilité de parler, de raconter ce qu’ils ont vécu ce matin-là.
Vous étiez là ce 19 mars 2012, vous aviez 17 ans. Vous vous êtes caché dans la réserve de l’école ?
J’étais présent au centre de la synagogue lorsque les coups de feu ont retenti pour la première fois. Sans comprendre d’abord ce qu’il se passait réellement. Et la CPE nous a ensuite avertis qu’un tireur était dans l’école. Au début, c’est la seule information que j’avais en ma possession. J’étais vraiment dans une sorte de flou, sans trop savoir s’ils étaient encore présents ou déjà repartis. Et j’ai donc pris l’initiative de me diriger vers la réserve avec un groupe d’élèves que j’ai accompagnés, qui étaient tous plus jeunes que moi. Et on s’est cachés dans cette réserve dans l’attente d’avoir une autorisation de la part de la police ou de toute autorité nous permettant de sortir de cette réserve.
Et quand vous sortez de la réserve, vous vous retrouvez avec d’autres élèves. Vous vous êtes cogné la tête contre le mur, mais que vous ne vous en souvenez pas. Pas même encore aujourd’hui.
C’est un moment très douloureux. Ce moment qu’on passe dans ce réfectoire où on est confiné, c’est un moment qui est très douloureux et qui marque un réel tournant dans la vie de tous les élèves qui étaient présents ce matin-là. Et je crois que la douleur était telle que nos réactions ont été très violentes aussi parfois.
Ce livre, vous avez l’impression que ça a été une sorte de catharsis que les élèves ont réussi à se confier, ce qu’ils n’avaient pas forcément réussi à faire avant ?
Tout à fait. J’ai ressenti l’urgence de mon côté d’écrire à ce sujet-là. Dans le cadre du Devoir de mémoire, il me semblait important, dix ans après, de pouvoir mettre en lumière cet événement qui, à mon sens, n’a pas forcément été assez mis en lumière au moment où ça s’est passé. Je pense que la brutalité, la violence de cet événement, mais aussi le fait que cet attentat a été un des premiers en France, finalement. En tout cas de la longue série qu’on a ensuite malheureusement connue, a malheureusement empêché à la France de prendre l’entière mesure de la gravité de cet événement. C’est pour ça que je tenais absolument à écrire ce livre.
C’était aussi donner la parole à ces élèves qui n’avaient jamais, pour certains, osé parler parce qu’ils ne se sentaient pas légitimes de le faire, parce qu’il y a toujours une question de légitimité quand on a vécu un tel drame. Est-ce qu’on peut en parler avec ses parents ? Est-ce qu’on ne peut en parler qu’avec des personnes qui l’ont vécu ? La question se pose réellement. Certains avaient pris le temps de décider, finalement, de ne jamais en parler ou en tout cas, ne se sentaient pas légitimes pour le faire avant ce livre.
Une commémoration va être organisée à Toulouse le 20 mars prochain, en présence d’Emmanuel Macron, mais aussi du président israélien, des familles, de nombreuses personnalités. Est-ce que vous y serez ? Et est ce qu’elle est indispensable, selon vous, cette cérémonie ?
Je pense que c’est très important de rappeler la mémoire des disparus et d’organiser des cérémonies chaque année pour ne pas oublier. J’y serai. C’est un moment particulièrement de retourner à Toulouse chaque 19 mars.
Et vous revenez aussi, je crois souvent à Ozar Hatorah, rebaptisée Ohr Torah ?
Tout à fait. J’ai pris l’habitude, ces dernières années de souvent m’y rendre, notamment pour rendre visite au directeur de l’école qui est toujours présent, mais aussi pour revoir mes amis de longue date qui vivent encore aujourd’hui à Toulouse.
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