Mine de rien, Patrick Balkany, incarcéré à Fleury-Mérogis, est plutôt un chanceux. Demandez aux pensionnaires de certains Ehpad !
La main de la justice n’a pas tremblé. Ni les protestations de Patrick Balkany, ni ses postures de victime, ni son âge (73 ans), ni son état de santé et un certificat médical le déclarant inapte à la détention n’ont fait fléchir les magistrats. Il faut dire que les provocations, outrances et arrogance du personnage, ajoutées à sa réticence à payer ses dettes au fisc (quelque 6 millions d’euros), ne les prédisposaient guère à l’indulgence.
Mais la sévérité se devait de n’être pas inhumaine. La procureure d’Évreux a bien pris soin de préciser que la prison choisie pour incarcérer Patrick Balkany, Fleury-Mérogis, lui permet d’avoir un suivi médical 24 heures sur 24.
Et c’est là que notre mauvais esprit s’est manifesté…
Faut-il donc aller en prison pour bénéficier d’un suivi médical 24 heures sur 24 ? Aller en prison plutôt que dans l’un de ces Ehpad où les vieux peuvent crier sans qu’on les entende, pisser sans être changés, souffrir sans être soignés, être malades sans voir un docteur ? Où leurs familles ne sont informées de leurs escarres, de leurs chutes, du poids qu’ils perdent et de leur état qui se dégrade que tardivement, pour peu qu’elles le soient ? Les plaintes déposées par les familles sont révélatrices d’une situation moyenâgeuse. La vieillesse comme un châtiment.
Pas un détenu ordinaire
Patrick Balkany a bien de la chance, à 73 ans et quels que soient ses ennuis digestifs, d’être en prison plutôt que dans un de ces Ehpad de la honte. Un suivi médical 24 heures sur 24 ! Un luxe qu’on lui envierait, pour un peu. La prison a du bon. Le même jour, on lit dans Le Monde la tribune de Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Elle prie, elle supplie les parlementaires et les magistrats d’aller visiter nos prisons. Elle raconte, crûment, la vie dans les cellules surpeuplées, les cafards et les puanteurs, les violences et les privations de soins, autant de châtiments corporels induits par une peine qui ne devrait être que privative de liberté et se prétend facteur de réinsertion. Patrick Balkany, décidément chanceux, évite un tel sort : il n’est pas un détenu ordinaire.
Il y a trop de vieux dans les Ehpad pour un personnel médical, d’assistance ou d’animation trop maigre, trop pressé, trop sollicité pour faire face, condamné sans volonté de malveillance à la maltraitance. Il y a trop de détenus dans des prisons bondées pour un personnel pénitentiaire insuffisant, un surveillant pour 53 détenus il y a quinze ans, un pour 150 aujourd’hui.
Il y a trop de vieux, et ce n’est pas fini, la courbe démographique le veut ainsi, sans qu’on l’ait anticipé. Il y a trop de prisonniers pour trop peu de places de prison, ce qui n’empêche pas de les remplir jusqu’au trop-plein dégradant, sans régulation ni peines alternatives à la hauteur. L’administration pénitentiaire n’est pas un hôtel qui peut afficher complet !
Trop de vieux, trop de détenus, trop de malheurs, trop de déshonneurs. Et des contrôles qui n’en sont pas, ou restent sans suite, en prison comme en Ehpad, nos décharges collectives.
Michel Richard