Photographies à l’appui, un livre de Didier Rykner dénonce l’enlaidissement de la capitale et l’abandon de son patrimoine. Un réquisitoire cruel.
Valérie Pécresse entend faire de la région Île-de-France une vitrine de sa manière de gouverner. Anne Hidalgo a tout intérêt à faire l’inverse, si elle ne veut pas perdre ses derniers électeurs potentiels dans les sondages, de moins en moins nombreux, il est vrai. Elle doit espérer qu’ils ne liront pas le livre que Didier Rykner, directeur de La Tribune de l’art, consacre à la gestion de la maire de Paris, La Disparition de Paris, Les Belles Lettres, 19 euros. C’est un réquisitoire à la fois vif et très documenté, illustré par de nombreuses photographies. Le patrimoine urbain se dégrade, le patrimoine végétal est sacrifié, le patrimoine culturel et architectural est méprisé. Voilà le constat.
La maire répète à l’envi qu’elle veut « réinventer la ville » ? La réinventer avec les « naturinoirs », ces toilettes en plein air qui ont importunément débordé dès leur installation ? « Les exhibitionnistes doivent adorer, la ville leur donne un permis de s’exhiber. […] C’est ludique, participatif et convivial, à défaut d’être inclusif (les femmes ne peuvent évidemment pas l’utiliser) », ironisait Didier Rykner dans un de ses billets en reprenant les adjectifs favoris de la novlangue hidalguienne.
L’auteur regrette les bancs publics inventés par Davioud, remplacés par de méchantes poutres de bois brut jetées sur la place de la République ou sur les berges de la Seine : « Dans un principe d’aménagement évolutif, interactif et réversible […], notre projet se fonde sur l’utilisation de pièces de bois assemblées, comme des mikados ou les pièces du jeu Kapla, qui permettent une organisation rapide de l’espace », explique dans ce sabir inimitable un document produit par la Ville de Paris. Il photographie de grandes et de petites choses, comme la flaque d’eau qui, située sur une piste cyclable devant le musée Grévin, ne sèche jamais, car il n’y a plus d’argent pour réparer l’affaissement de terrain qui l’a provoquée.
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— Didier Rykner (@DidierRykner) January 28, 2022
Écologistes en toc
Plus piquant encore, Didier Rykner relève la manière dont la maire socialiste accueille avec enthousiasme la publicité clinquante, même quand elle défigure les sites. Il faut bien tenter de remplir les caisses vidées par des années d’incurie. Il raconte les détails affligeants du « glycinegate », ou comment une plante réputée centenaire, qui faisait la joie des habitants de Montmartre, a été éradiquée par des employés municipaux, sans préavis, le 17 mars 2021. Quand les défenseurs de l’environnement – les vrais ! – s’émeuvent de cette exécution sommaire, l’adjoint aux espaces verts répond que la glycine était morte. Las ! Il ignorait qu’il faut souvent attendre le mois d’avril pour voir les végétaux développer de nouveau leur feuillage. Et, lorsque la mairie finit par produire l’acte de décès de cet arbre, elle fournit… le diagnostic qui se rapporte à un marronnier commun.
De « mini-forêts participatives » en « permis de végétaliser », qui ont créé dans l’espace public des dizaines de mini-ZAD, l’écologie relève souvent d’une tactique en toc, 100 % de communication et 0 % d’action. Pendant ce temps, les grands espaces verts parisiens gérés par la municipalité, tels le parc Monceau ou celui des Buttes-Chaumont, tombent en lambeaux.
Un constat à charge ? Sûrement. Un réquisitoire teinté de nostalgie ? Peut-être. Mais les pièces du dossier sont sérieuses. Leur accumulation ne facilitera pas le retour de la maire au bercail après sa triomphale campagne présidentielle.
Sophie Coignard