Entre vaccination et levée du pass sanitaire, Cyrille Cohen, directeur du laboratoire d’immunothérapie de l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv, explique la situation de son pays face au Covid-19.
Alors que la France apprend à vivre sous pass vaccinal, d’autres pays lèvent les restrictions anti-Covid. En Israël, le «passeport vert» n’est plus exigé dans les cafés, les restaurants, les bars, les salles de sport ou les hôtels et n’est demandé que pour les «événements à haut risque», depuis dimanche. Ce pays, pionnier de la vaccination, n’a pourtant pas été épargné par la vague d’omicron. Le professeur d’immunologie Cyrille Cohen, également membre du Conseil consultatif sur les essais cliniques des vaccins contre le Covid-19, explique à Libération la situation dans son pays.
Quel est l’état de l’épidémie et des restrictions en Israël ?
Une baisse des contaminations est amorcée depuis un peu plus d’une semaine. Les hospitalisations et les cas graves sont stabilisés et on espère qu’ils vont entamer leur décrue. Il faut le dire, omicron tue, ce n’est pas un rhume. Nous sommes à des taux d’hospitalisation déjà atteints précédemment mais, à l’époque, c’était avec un confinement généralisé et beaucoup moins de cas.
Malgré ce nombre élevé de morts, Israël a levé son passeport vert dimanche, pourquoi ?
A l’ère d’omicron, il ne semble plus remplir pleinement son rôle. L’écart de risque de contamination entre vaccinés et non-vaccinés est faible, donc il n’y a aucune raison d’imposer cette mesure au public. Le passeport vert ne permet pas de créer un espace sécurisé de moindres contaminations entre personnes vaccinées.
En France le pass est maintenu pour «emmerder» les non-vaccinés en espérant les pousser à la vaccination. Vous avez aussi des citoyens réticents à la vaccination, comment avez-vous essayé de les convaincre ?
On a fait du porte à porte. A l’issue de la première campagne de vaccination, il y avait 1,3 million de personnes éligibles non vaccinées. Nous sommes allés sur le terrain rencontrer des leaders de communautés ethniques, religieuses ou rurales et nous avons discuté. Nous avons réduit ce chiffre de 50 % ainsi. De même pour la vaccination des enfants, en amenant les vaccins jusque dans les écoles, nous avons touché des personnes qui n’auraient peut-être pas fait la démarche autrement.
Près des trois quarts de la population israélienne ont reçu au moins une dose, et pourtant vous êtes au milieu d’une vague importante de morts. Pourquoi ?
C’est vrai. Cela montre bien qu’omicron n’est pas bénin, même s’il provoque moins de formes graves. Ensuite, il faut bien dire que beaucoup des personnes qui décèdent ne sont pas vaccinées. Elles ont dix fois plus de risques de mourir que les personnes vaccinées. Il faut également savoir que nous avons encore du mal à différencier les personnes mortes du Covid et celles mortes avec le Covid. Si cette donnée change l’analyse, elle ne change pas la surcharge hospitalière qu’un patient positif au Covid-19 représente. Et des hôpitaux surchargés prennent moins bien en charge les patients… Enfin, comme d’autres pays nous avons eu des problèmes avec les soignants en quarantaine pour cause de Covid et avec les autres maladies hivernales, bien présentes cette année.
Vous êtes aussi le premier pays à avoir ouvert la possibilité d’une deuxième dose de rappel. Qui en a bénéficié et pour quels résultats ?
La quatrième dose est possible pour les personnes âgées ou fragiles. De 30 à 40 % de cette population ont franchi le pas. Les résultats sont encore préliminaires mais il y aurait une réduction par deux du risque de contamination et par trois du risque de formes graves. Nous aurons des données plus solides d’ici à quelques jours j’espère.
Est-ce qu’omicron vous semble plus dangereux que les variants précédents pour les enfants ? Est-ce qu’il peut provoquer des Covid longs ?
Israël a reçu la vague d’omicron un peu après d’autres pays, donc nous n’avons pas beaucoup de recul. Il faut prendre mes réponses avec ces réserves. Pour le moment, on observe des Covid longs, mais je ne saurais les quantifier. Concernant les enfants, omicron ne semble pas plus dangereux. On voit même des cas de PIMS [un syndrome inflammatoire aigu post-infection potentiellement mortel, ndlr] moins intenses que lors des vagues précédentes, je le répète, pour l’instant.
Propos recueillis par Olivier Monod