Notre chroniqueur témoigne, en tant que père d’un fils né avec trisomie 21, après les propos d’Éric Zemmour sur la scolarisation des enfants handicapés.
Éric Zemmour coche toutes les cases de l’obscénité. Je n’avais aucune envie d’intervenir dans des polémiques qu’il a suscitées ces derniers temps, considérant que le plus grave dans le phénomène Zemmour est le fait qu’il révèle un pan entier d’une société qui déplace son angoisse sur les étrangers, sur l’islam et autres problèmes idéologiques.
Là, j’interviens, parce que ses déclarations sur « l’obsession de l’inclusion » des enfants handicapés dans l’école publique classique relèvent de l’ignorance et de la bêtise.
Nous avons, ma femme et moi, sauvé notre fils né avec trisomie 21 du système de ce que Zemmour appelle « Les Établissements spécialisés ». Je pense qu’il n’a jamais mis les pieds dans ces établissements et qu’il n’a aucune idée de ce que c’est que de vivre avec un enfant handicapé et de tout ce qu’on a pu faire pour l’inclure dans la sphère de « la normalité ».
Nous nous sommes battus pour que notre fils soit accepté dans une Clis (classe d’intégration spécialisée) durant le primaire et ensuite dans une UPI (unité pédagogique d’intégration), pour le collège. À l’époque, début des années 1990, il n’y avait qu’une seule Clis à Paris, se situant dans le quartier de l’Île Saint-Louis. Ce fut un combat de tous les jours, tant des réticences fusaient de partout. Nous avions tenu bon. Jamais notre fils n’est allé dans un établissement spécialisé. Nous avons pourtant essayé de l’inscrire dans un de ces lieux. Ce fut lui, en premier, qui refusait de rester ne serait-ce qu’une dizaine de minutes dans ces institutions. Avec son langage, son refus était ferme. Nous repartions, déterminés à le laisser vivre, grandir et évoluer dans la société telle qu’elle est, tout en étant suivi par une orthophoniste et une psychologue.
Les établissements spécialisés sont utiles pour des cas très graves. N’empêche que, dans certains cas, si on peut les éviter, il ne faut pas hésiter, parce que ces lieux où tous les cas sont tous différents les uns des autres, dont le handicap moteur ou mental ou les deux à la fois peut varier dans l’échelle de la gravité, ne favorisent pas l’épanouissement de l’enfant.
À sa naissance, une pédiatre nous avait proposé de nous débarrasser de cet enfant différent en nous disant : « On le confie à des établissements et vous n’en entendrez plus parler ! » Quelle horreur. Aujourd’hui, notre fils est notre fierté, et il suit certains débats de la campagne pour la présidentielle, et avant même que Zemmour ne fasse sa sortie stupide sur le handicap, il avait repéré en lui un « homme mauvais ».