L’ancienne synagogue d’Altkirch cherche repreneur. Le bâtiment qui date du 19e siècle n’abrite plus aucun culte, le Consistoire israélite du Haut-Rhin a donc décidé de s’en séparer.
Une synagogue à vendre. « C’est vrai que c’est original. En vingt ans d’exercice, c’est la première fois que j’ai un tel bien dans mon fichier », sourit Frédéric Robischung, agent immobilier à Hirsingue, à qui le Consistoire israélite du Haut-Rhin (CIHR) a confié l’affaire.
« Évidemment, il faut une approche différente pour ce produit. On ne va pas avoir les mêmes arguments que pour un appartement classique. Là, on met l’accent sur le volume extraordinaire ».
Une surface de 280 m2 d’un seul tenant. Le tout pour 235.000 euros hors frais d’agence. Comment estimer un tel bien ? « En toute transparence », affirme l’agent immobilier. « Le Consistoire a fait appel au service des domaines, c’est un service de l’État, dont l’avis est neutre. Nous nous sommes basés sur leurs conclusions ».
Estimée à 235.000 euros a priori, la somme ne paraît pas excessive. Mais il faut prévoir des travaux. De gros travaux de réhabilitation et de transformation. « Pour l’instant, il n’y a pas d’eau, pas de chauffage, pas d’électricité », précise Frédéric Robischung. La facture peut donc s’alourdir considérablement.
Quelle nouvelle destinée pour la synagogue ?
En un mois l’agent immobilier a organisé une petite dizaine de visites. Il y avait bien deux ou trois curieux qui n’avaient nullement l’intention d’acheter, mais aussi quelques pistes sérieuses. Notamment des marchands de biens qui pourraient y réaliser des appartements.
Autres hypothèses : des ateliers d’artistes, ou encore un restaurant. « Lorsque nous avons décidé de vendre nous avons d’abord contacté la mairie d’Altkirch, dans l’idée de développer un projet culturel par exemple. Mais la ville nous a fait savoir qu’elle ne pouvait pas donner suite à notre demande. Alors, on s’est tourné vers un professionnel de l’immobilier », explique Laurent Schilli, secrétaire général du CIHR.
Le Consistoire a pris acte du fait que la communauté juive ne compte plus aucun membre à Altkirch. Les derniers s’étaient énormément investis pour entretenir et nettoyer l’édifice. Mais depuis qu’ils ne sont plus là, le bâtiment était devenu une charge de plus en plus lourde. « Le bénéfice de la vente sera utilisé pour réaliser des travaux dans d’autres synagogues du département, comme celles de Thann ou de Guebwiller qui sont toujours actives, et financera également des projets pour la communauté des vivants qui pour nous est prioritaire », précise Laurent Schilly.
De nombreuses synagogues transformées
L’histoire de la synagogue d’Altkirch est insolite, sans être exceptionnelle. De nombreux édifices cultuels juifs ont été vendus et transformés en Alsace. Certains sont devenus des casernes de pompiers comme à Scherwiller, ou un cinéma à Ribeauvillé. Le journaliste Baptiste Cogitore et le photographe Pascal Koenig ont d’ailleurs consacré un ouvrage à ces anciennes synagogues rurales d’Alsace, Les Gardiens des lieux, aux éditions Rodéo d’âme.
« L’objectif n’était pas d’en faire un recensement, mais plutôt de rencontrer les personnes qui travaillent ou qui vivent dans ces lieux. Pourquoi ont-elles fait ce choix ? Quel rapport entretiennent-elles avec la mémoire du judaïsme rural ? » Il en résulte une trentaine de témoignages, comme cette famille qui a racheté des bâtiments à rénover à Issenheim dans les années 70, et qui découvre au cours des travaux des pages d’un ancien livre de prières cachées dans les fondations : il s’agissait d’une ancienne synagogue.
La synagogue ne sera pas détruite
D’autres ont acquis les lieux en pleine connaissance de cause, comme cet habitant de Kolbsheim qui, étant petit, venait jouer dans la synagogue en rêvant d’y habiter un jour. Souhait exaucé, à l’âge adulte, l’édifice ayant été mis en vente. Rien n’est figé : la synagogue de Muttersholtz est d’abord devenu un gymnase, et s’apprête désormais à devenir un lieu culturel.
Une exposition sur l’histoire de ces synagogues réaffectées est d’ailleurs visible sur place jusqu’au 24 Janvier. Quant à la synagogue d’Altkirch, nul ne sait encore à quoi ressemblera sa nouvelle existence. Mais une certitude : elle ne sera pas détruite. C’est une condition non négociable pour le Consistoire israélite.