Une loi de 2015 permet aux descendants de Juifs séfarades expulsés par les rois catholiques au XVe siècle d’accéder à la nationalité espagnole. Mais, face aux risques de fraude, l’État espagnol a resserré la vis dans l’examen des demandes, créant un bazar bureaucratique, analyse El Confidencial.
Elle devait réparer “une erreur historique”. En 2015, une loi permettant aux descendants de Juifs séfarades expulsés de la péninsule Ibérique par les rois catholiques en 1492 d’accéder à un passeport espagnol, sans perdre leur autre nationalité, entrait en vigueur outre-Pyrénées.
Entre 2015 et 2020, le ministère de la Justice espagnol, compétent sur ce point, a donné son feu vert à la naturalisation de 20 908 personnes, pour une seule demande rejetée, confirme le site El Confidencial, de tendance libérale conservatrice.
Un délai fixé au mois de septembre 2019 était prévu par la loi en ce qui concerne les demandes, et à l’époque des milliers de personnes s’étaient manifestées à la dernière minute. Aujourd’hui, des milliers de demandes sont encore en attente. Ces derniers mois, même si la plupart ont débouché sur l’octroi d’un passeport, “le nombre de refus n’a cessé d’augmenter” : 7 au cours de l’année 2020, 236 au pointage de mars dernier et 2 980 selon les derniers chiffres de septembre.
Dans une enquête très détaillée, El Confidencial apporte des éléments d’explication : « Le projet espagnol […] est né avec les meilleures intentions, mais a fini par tomber à l’eau, en accordant frauduleusement des passeports à des centaines – voire des milliers, le nombre exact est impossible à déterminer – d’étrangers avec des documents plus que douteux.”
Des demandeurs venus d’Amérique latine
Face à cette situation, l’État espagnol fait preuve d’un excès de zèle dans l’examen des demandes. Sauf que ce durcissement a engendré d’une part “des plaintes amères de la part de nombreux cabinets d’avocats, notaires et organisations juives” – ils considèrent, entre autres, qu’il est injuste que l’examen des demandes a été durci a posteriori – et d’autre part un “grand cafouillage” administratif, car les retards s’accumulent.
Au XVe siècle, les premiers Juifs séfarades expulsés ont trouvé refuge dans les contrées européennes voisines. “Cependant, ce n’est dans aucun de ces endroits qu’a eu lieu la plus grande explosion de demandes de nationalisation espagnole par la voie séfarade au cours des cinq dernières années”, remarque El Confidencial.
Le site évoque le Mexique, le Venezuela, la Colombie, l’Argentine ou encore la République dominicaine. Dans ces pays, “des cabinets d’avocats ou des experts en généalogie sont sortis de nulle part”, prêts à établir des liens entre les demandeurs actuels et l’un des quelque 100 000 Juifs séfarades expulsés par le décret de l’Alhambra de 1492.
Aujourd’hui, certains bureaux espagnols n’hésitent plus à rediriger les demandes vers le voisin portugais, assure le média en ligne. Le Portugal a aussi adopté une loi similaire à celle de son homologue espagnol en 2015. Elle avait provoqué une explosion du nombre de demandeurs, séduits à l’idée de profiter des avantages d’un passeport européen.
C’était logique car la nationalité européenne présente des avantages qui n’existent pas ailleurs. Mais il est assez facile de savoir qui est authentiquement séfarade et qui ne l’est pas