L’homme de télévision, rendu célèbre pour avoir animé avec son frère jumeau, Igor, l’émission « Temps X », est mort mardi 28 décembre, à l’âge de 72 ans. Par la suite essayiste et docteur en mathématiques, il avait suscité de nombreuses polémiques.
Figure du petit écran avec son frère jumeau Igor, Grichka Bogdanoff, également essayiste et docteur en mathématiques, est mort mardi 28 décembre à l’âge de 72 ans, a annoncé son agent à l’AFP. « Entouré de l’amour de sa famille et des siens, Grichka Bogdanoff s’est éteint paisiblement, le 28 décembre 2021, pour rejoindre ses étoiles », a écrit sa famille dans un communiqué transmis par son agent.
Selon nos informations, Grichka Bogdanoff avait été hospitalisé le 15 décembre dans le service de réanimation de l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, après avoir contracté le Covid-19. Le même jour, son frère Igor avait été également reçu au sein du même service de cet établissement, pour des raisons identiques. Selon une source proche des deux frères, ils n’étaient pas vaccinés contre le Covid-19.
Nés le 29 août 1949 à Saint-Lary (Gers), Igor et Grégoire Bogdanoff (changé en Bogdanov dans leurs activités publiques), sont inséparables dans l’esprit des Français. Animateurs et producteurs de télévision, ils ont imposé leur style futuriste avec « Temps X », diffusée entre 1979 et 1987 sur TF1. L’émission mêle science et fiction, ovnis, vie extraterrestre, et technologies avancées, faisant partager au public la culture populaire anglo-saxonne sur tous ces sujets. Leur transformation physique, sujet de curiosité, nourrira par la suite leur aura d’« extraterrestres », comme ils se qualifiaient eux-mêmes.
« Style très impressionniste »
En 1991, les deux frères publient Dieu et la science (Grasset), dialogue avec le philosophe Jean Guitton. L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan y voit des emprunts à son propre best-seller, La Mélodie secrète (Fayard, 1988). On leur reproche aussi d’avoir fait valoir des titres de docteur sur la couverture de l’ouvrage. Ils plaident l’erreur du service de presse de l’éditeur. « Nous étions en voie d’inscription en thèse avant la publication de l’ouvrage, ce qui a pu prêter à confusion », estimait Grichka.
De fait, à partir de 1991, les deux frères disparaissent du petit écran pour se consacrer à la physique théorique grâce à l’argent gagné à la télévision. « Notre vie s’est alors résumée à une fascination hypnotique pour une question scientifique », racontait Igor – celle de l’origine de l’Univers. Ils seront d’abord inscrits à Bordeaux, puis à l’université de Bourgogne, où le professeur Daniel Sternheimer hérite de la tâche de canaliser « leur style très impressionniste ».
En 1999, alors que les deux frères voulaient soutenir leurs thèses à l’Ecole polytechnique, des membres du jury prennent soudain conscience de l’insuffisance de leurs travaux. Grichka obtient le titre, requalifié en mathématiques, sous condition de modifications substantielles du manuscrit. Igor, ajourné, ne pourra se présenter qu’après avoir publié des résultats dans des journaux à comité de lecture. Ce qui sera fait, en 2002.
Tous deux obtiennent la mention « honorable », peu flatteuse. Et doivent bientôt se défendre d’avoir monté un canular destiné à ridiculiser certains aspects brumeux de la cosmologie. Au CNRS et à l’université de Bourgogne, on s’interroge sur les conditions dans lesquelles ces thèses ont été soutenues. Un rapport interne, daté de 2003, décrit celles-ci comme dépourvues de « valeur scientifique ».
Mis en examen pour « escroquerie »
L’hebdomadaire Marianne en révèle l’existence en 2010, déclenchant une série d’actions en justice de la part de frères Bogdanoff. S’ils avaient pu faire condamner l’hebdomadaire en diffamation, ils avaient été déboutés de leurs actions contre le CNRS, qu’ils comparaient à une « Stasi scientifique ». « Certains physiciens n’ont jamais accepté que des saltimbanques comme nous aient pu se mêler de science », déploraient les jumeaux – même si d’autres leur reconnaissaient volontiers le mérite d’avoir pu susciter des vocations.
La défense acharnée de leur honneur scientifique alternait ces dernières années avec apparitions télévisuelles et publications de divers ouvrages. Avant le Big Bang (Grasset, 2004) mettait en avant leurs travaux, en s’appuyant sur des appréciations louangeuses de chercheurs qui ne reconnaîtront pas toujours leurs propos. « Ambiguïté de la traduction », plaidera Grichka. Le Visage de Dieu (Grasset, 2010) ne pouvait qu’agacer les physiciens. Le lancement du livre a ainsi pu laisser croire que les deux frères étaient associés à l’équipe du satellite Planck – « une erreur d’une stagiaire » chez l’éditeur, avancera Igor.
En juin 2018, les deux frères avaient été mis en examen pour « escroquerie sur personne vulnérable », soupçonnés par la justice d’avoir profité des largesses financières d’un millionnaire de 54 ans, qui s’est suicidé le 31 août 2018. Avec d’autres, ils devaient être renvoyés dans ce dossier devant le tribunal correctionnel de Paris, les 20 et 21 janvier 2022. Mardi, les avocats de Grichka Bogdanoff indiquent, dans un communiqué, que ce procès « ne constituait nullement une actualité pour lui et pour son frère jumeau, tant ils s’estimaient étrangers aux faits reprochés et scandalisés par des accusations infondées ». « Cette procédure s’éteint donc en l’état à son égard, ajoutent-ils, et il restera définitivement présumé innocent. »
29 août 1949 Naissance à Saint-Lary (Gers)
1979 Première émission « Temps X » sur TF1
1999 Soutenance de sa thèse de mathématiques sur « Les fluctuations quantiques de la signature de la métrique a l’échelle de Planck »
28 décembre 2021 Mort à Paris